mercredi 17 février 2016

Ferme des 1.000 vaches : la Confédération paysanne s'invite dans le débat


Pour son assemblée générale annuelle, la laiterie de Saint-Denis-de-l’Hôtel (45) avait choisi Romorantin (41) et invité Michel Welter, chef d’exploitation de la controversée usine agricole de Picardie. Des manifestants se sont joints à ce  rendez-vous du 16 février.

«50 vaches, ça va ; 2.000 bêtes, cata ! Installons 1.000 paysans, pas 1.000 vaches. » Ce sont autant de messages qui avaient été posés devant la Pyramide de Romorantin mardi 16 février par la Confédération Paysanne du Centre. Alors que l’AG de la laiterie du Loiret ne débutait pas avant les alentours de 10h-10h30, Michel Welter, directeur d’exploitation des « 1.000 vaches » était déjà dans la salle une heure avant, fuyant la presse et  pas du tout disposé à bavarder devant un café de la plus grande ferme de France employant dix-huit salariés et sortie de terre dans la Somme, à l’initiative non pas d’un enfant du sérail mais d’un entrepreneur nordiste qui a fait fortune dans le BTP, Michel Ramery, la tête dans les chiffres plutôt que les pieds dans la paille. Même face aux flashs des journalistes, Michel Welter baissait ou tournait souvent la tête, à l’intérieur. Il faudra se contenter d’une déclaration neutre d’Emmanuel Vassaneix, président de la laiterie de Saint-Denis-de-l’Hôtel (LSDH). « Chaque année, nous réunissons nos producteurs de lait et nous avons une thématique. Il y a deux ans par exemple, il fut question de génétique. Cette fois, nous recevons Michel Welter pour qu’il nous explique, nous voulons comprendre, nous ne sommes pas dans le jugement. Il faut réfléchir sur l’évolution du monde agricole et les solutions. Dans le Maine-et-Loire, par exemple, quatre ou cinq exploitations se sont regroupées ; les agriculteurs ont des vacances et des weekends, gagnent leur vie. Nous devons nous questionner sur la façon dont la France, dans l’Europe, peut préparer sa politique laitière. Nous ne pouvons pas jouer sur un même terrain avec un même ballon mais sans les mêmes règles.» 


Dehors, des panneaux, des messages... Mais pas de vaches dans la manif' ! © Émilie RENCIEN

Tous et toutes concernés par l’agro-business


À l’extérieur, sur les marches devant la salle de spectacles, au son de meuglements de vaches enregistrés et diffusés par une sono (eh non, pas d’animaux en chair et en os pour cette manif’), l’ambiance n’était pas du tout la même avec une Confédération paysanne, elle, très loquace, accusant et dénonçant sans langue de bois. «Nos fermes ne sont pas des usines, les animaux ne sont pas des machines ! Nous sommes contre la ferme des 1.000 vaches, contre toute cette logique, car avec un tel système, on s’auto-détruit. Plus les fermes sont grosses et moins les producteurs sont payés. Avec la surproduction depuis la fin des quotas laitiers en Europe, les prix baissent. Le volume nous condamne ! Sans parler du traitement des bêtes qui est catastrophique et du non-respect de l’environnement,» déplorent Gilles Guellier, porte-parole du syndicat d’agriculteurs pour le Loir-et-Cher et Nicolas Calame, porte-parole pour l’Indre, en répétant puis proposant. «On ne veut pas de ce modèle où il n’y pas de pilote dans l’avion. Nous souhaitons revenir à une régularisation des marchés et voir la mise en place d’un système de production plus autonome, lié au sol et moins dépendant des grands commerçants. Si nous laissons faire le marché, sans régularisation, 10 % à 15% des producteurs vont disparaître.» Dans les rangs, chauds bonnets visés sur la tête et gants aux mains pour affronter les températures frisquettes de cette matinée-là, des consommateurs avaient également fait le déplacement. Car finalement, cette histoire est l’affaire de tous. Chacun est en droit de s’inquiéter d’un tel projet davantage motivé, on s’en doute, par l’appât du gain que par le bien-être animal et la qualité du lait. « Pourquoi l’information n’a pas été plus largement relayée ? » demande Josiane. « En cette période de vacances scolaires, des parents et des enfants seraient peut-être venus s’ils l’avaient su. » Plus loin, Fabrice, qui enseigne l’histoire-géographie, écoutait attentivement le syndicat présent et s’interrogeait aussi. «Pouvez-vous m’en dire plus sur ces fermes en Allemagne encore plus gigantesques ? » Avant s’indigner. « Dans les livres, nous avons en classe de seconde un chapitre qui s’appelle  « nourrir les hommes » et j’explique à mes élèves que manger est devenu un acte politique. Cette logique d’industrialisation me paraît nocive. Bientôt, plus de vaches dans les prés et qui regardent passer les trains ? »

 É.RENCIEN


Dans la salle, avec Michel Welter. © Émilie RENCIEN



Un élevage nouveau pas sans conséquences

Selon la Confédération Paysanne, l’industrialisation a fait passer en région Centre  le nombre de fermes de 2.421 en 2000 à 948 en 2014, soit une diminution du nombre d’éleveurs de 60 % en 14 ans. «Un projet destructeur d’emplois, une précarisation du travail agricole, une logique d’accaparement de soutiens publics, une fragilité sanitaire du troupeau avérée, un danger pour la marché foncier français, un projet incompatible avec le défi climatique», ajoute le tract qui a été distribué par le syndicat devant  la Pyramide de Romorantin mardi 16 février.
É.R.

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