Benoît Hamon était en meeting mardi 22 février à la Halle aux Grains de
Blois pour une première « Agora » en direct. Recto-verso d’une
campagne socialiste menée d’un tambour battant de façon participative.
Le candidat Benoît à Blois ... © Émilie RENCIEN
« Merci, c’est sympa que tu
sois venue ! » Notre épaule gauche se souvient encore de cette tape
amicale, nos yeux subitement tels ceux d’un lapin pris dans les phares d’une
voiture semblant prononcer « on se connaît ? ». C’était un samedi
d’octobre 2016 à Blois dans les murs de la permanence du député Denys Robiliard
sur l’avenue Gambetta près de la gare pour une rencontre qui avait permis aux
uns et aux autres de prendre la température pendant que le 8 de ce mois-là, le
temps des Rendez-Vous de l’Histoire s’écoulait paisiblement dans le
centre-ville. C’est le style Hamon. Pas normal, c’est déjà pris. Disons naturel
et spontané, aimant parler à l’oreille des journalistes ou presque. Ce premier
contact en a appelé un deuxième. Toujours à Blois, quelques mois plus tard, un mardi
22 février 2017, à la HAG comme les habitués appellent ladite salle. Côté
recto, Benoît Hamon n’a pas changé sur la forme. « Un homme sincère, pas
un demi-dieu, quelqu’un comme vous, » auront souligné la poignée de discours
ce soir-là, sous l’œil attentif des médias locaux et nationaux en nombre placés
dans le thème de la soirée, à savoir sur les sièges à gauche et recadrés quand
ils avaient le malheur de basculer sur la rangée à droite. Une fois la
représentation blésoise achevée et un verre ballon de vin blanc local dégusté
en compagnie d’élus et d’associations, l’homme politique en devenir est demeuré
primesautier et a continué à tutoyer la presse, à moitié engouffré derrière la
portière de sa voiture noire ouverte. « Okay, vas-y, je vais répondre à ta
dernière question … Ça, demande à la personne concernée plutôt. Salut !». La
troisième rencontre aura peut-être lieu après les échéances électorales des 23
avril et 7 mai. Le maire de Blois, Marc Gricourt, a suggéré au candidat Benoît
de revenir sur les bords de Loire pour sa première sortie dans la peau du président
Hamon. «Si les questions sont ce soir de qualité à Blois, » a mis un bémol
le jeune présentateur au micro, costume et baskets branchés. Et d’autres rajouteront :
« surtout, si victoire il y a». De discrets et affirmés « on va gagner !
on va gagner ! » ont accompagné un peu avant minuit le carrosse
motorisé du socialiste s’éloignant dans la nuit blésoise, contrebalaçant avec
des quêteurs du Saint-Graal plus tempérés. «On peut gagner mais on n’a pas
encore gagné. »
C'était en live... © Émilie RENCIEN
Le dess(e)in d’un « futur
désirable »
Et sinon, côté verso, sur le
fond, Benoît Hamon qui veut « faire battre le cœur de la France », ça
donne quoi sur scène ? Oui, car mardi 22 février, il testait à Blois son
premier show « Agora live pour faire respirer la démocratie» dès 21
heures, une formule qui offre l’opportunité au public de poser les yeux dans
les yeux, sans filet et dans le calme, des questions au prétendant au titre
présidentiel qui est entouré d’écrans géants et se tient debout devant une
table blanche aux bords imprimés de bons mots en rouge et vert issus de la
campagne en cours. Un long échange, par moments ennuyeux, par instants teinté
d’humour et d’anecdotes personnelles, via des interrogations bienveillantes, qui
a surtout eu le mérite de brosser les grandes lignes du programme du
candidat : meilleure formation et rémunération des forces de l’ordre, création
de classes et de postes d’enseignants supplémentaires, service public d’aide
aux leçons, engagement sur la fin de vie, droit à la déconnexion des écrans et
du travail, alternatives aux courtes peines de prison, suppression des
véhicules diesel dès 2025, fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu,
taxation du travail des robots et évidemment, revenu universel, nouvel pilier
qui se construira par étapes en commençant par les plus pauvres et les jeunes âgés
de 18 à 25 ans. Ces propositions seront enrichies dans les semaines à venir
grâce à la mise en place d’un conseil citoyen composées de 40 personnes tirées
au sort. Peu de chiffres donnés ni de plan de financement détaillé, mais des
petites phrases : «on peut négocier avec les banquiers, pas avec la
planète » ; « moi, président de la République… Non, faut faire
gaffe avec ça. Si je suis élu… Mon Gouvernement accueillera toutes les nuances
de la gauche». Ou encore « si je dis que ce jeune est bénévole et qu’il ne
l’est pas, avec 40 journalistes ici, je le paie direct ! » et également
«Bill Gates qui n’est pas un Hamoniste est pourtant d’accord lui aussi, dear
Bill !». Dans la Halle aux Grains, pas de militants déchaînés brandissant
les pancartes de couleur rouge ou bleu à disposition ni même de prénom ou de
slogan fougueusement scandés. Par contre, des tacles au rendez-vous. Alors que
Denys Robiliard a habillé Nicolas Perruchot, le premier vice-président du
Département, d’un costume d’ancien « maire fouettard », Benoît Hamon
a écorché Fillon et écharpé Macron qui, selon ses propres dires, « sont en
train de faire le choix de moins d’égalité et de solidarité ». Tous ces
suffixes en –on, quelle année… Reprenons ! Il a aussi rappelé son CV de
ministre (de la consommation et de l’éducation), a cité l’essayiste et
agriculteur bio Pierre Rahbi, a vanté les mérites de la loi pénale Taubira sans
oublier de promettra d’abroger la loi du travail El Khomri qu’il remplacerait
par de nouvelles règles législatives. En résumé, il dessine un futur qu’il
qualifie de « désirable ». De la poudre aux yeux ? « Je
suis juste optimiste et libre, » a confié le socialiste. « Mes
propositions ne sont pas nées d’un éclair un matin au réveil, elles sont nées
situations vécues et d’observations de combats, d’injustices. Je ne veux pas
être président pour être président. Je désire que l’option que je défends soit
portée. »
Président Hamon ? © Émilie RENCIEN
De Nixon à Hamon
Vers 22h30, mardi 22 février à
Blois, une semaine après la Saint-Valentin, le cœur des spectateurs battait
toujours. Avec quelle intensité ? Danièle Marty, la directrice de la Compagnie
du Hasard à Feings, a aperçu une lueur d’espoir. « J’étais désespérée de
ce qui se passe dans le monde. J’ai écouté le programme de Benoît Hamon et je
dis oui ! ». Didier Guénin, premier adjoint au maire de Romorantin et
candidat aux législatives de juin sur la circonscription de la Sologne et de la
Vallée du Cher, a noté « des idées rafraîchissantes ». D’autres ont tout
bonnement préféré éviter notre carnet et stylo, à l’instar de Christophe
Degruelle, président de l’agglomération blésoise qui au passage soutenait de
prime abord Manuel Valls, visiblement trop affairé et doté d’un alibi en béton.
« Je cherche mon fils…» Claude, un anonyme de 77 ans au milieu des 660
personnes présentes, a quant à lui pu confirmer sa décision. « J’ai déjà
voté pour lui à la primaire de janvier. Je l’ai tout de même trouvé moins
sérieux face aux autres candidats et puis, maintenant, c’est très différent, il
a repris du poil de la bête. Cette soirée à Blois s’est bien passée et je suis
séduit. Il y avait 282 questions écrites, seulement 4 ou 5 ou ont été retenues
mais cela a concerné des domaines différents. J’aime son côté humaniste,
il me fait penser à l’élection populaire
de Richard Nixon aux États-Unis. » Hum, le Watergate par la suite…
L’avenir tout proche écrira en tout cas le destin qui guette Benoît Hamon.
Émilie RENCIEN
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