lundi 31 octobre 2016

Nicolas Vanier crie son amour pour la Sologne sur grand écran … et dénonce l’engrillagement


Tout le monde (ou presque) le sait désormais : le réalisateur tourne en ce moment un long-métrage, « l’école buissonnière ». Après La Ferté St-Cyr, Mennetou-sur-Cher, Neung-sur-Beuvron, la Ferté-Imbault et d’autres communes, ses caméras étaient posées mardi 25 octobre dans la forêt du château de Chambord. Il en a profité pour pousser un coup de gueule justifié.
                   
Un cerf « imprégné », habitué à l’homme, à la magnifique robe rousse faisant écho aux feuilles des arbres actuellement automnales, court dans un sol herbeux et boueux, ses sabots fendant l’eau et arborant fièrement un imposant couvre-chef comptant au moins 20 cors. L’un des acteurs principaux du film est là, devant nos yeux, à Chambord, tout près de l’interminable mur d’enceinte du Domaine national à proximité dont on aperçoit un morceau. Muriel Bec, dresseuse d’animaux professionnelle basée dans le Loiret, dirige l’animal, tandis que Nicolas Vanier est installé derrière les caméras pour saisir l’instant d’une rare beauté, épaulé par le solognot Laurent Charbonnier, assis en contrebas sur un talus. La scène est dans la boîte, le très grand cerf de retour dans son box de transport. Nicolas Vanier est radieux, satisfait d’avoir capté ces images exceptionnelles et difficilement réalisables. Bien qu’il filmait mardi 25 octobre une séquence de chasse à courre fictive avec un moustachu Éric Elmosnino attaqué par les moucherons et un François Berléand barbu tétanisé par les chevaux, le réalisateur qui habite en Sologne ne s’est pas retenu pour taper du poing sur le bois solognot. «Après avoir tourné en Sibérie, au Nord du Canada, dans les montagnes et avant de me retrouver en mars 2017 seul avec mes chiens en Alaska, je raconte cette fois l’histoire d’un petit parisien en 1930, un orphelin qui se retrouve dans un domaine en Sologne appartenant à un vieux comte joué par François Berléand, avec un garde-chasse, Éric Elmosnino, et où sévit un braconnier. Je décris de vraies valeurs dans un monde où tout s’accélère et où on laisse mourir de faim des enfants derrière des grillages. Je montre ces terres que j’aime profondément, ce monde merveilleux et ce qu’offre de plus beau la Sologne. Et non pas son côté triste… Oui, la Sologne est atteinte d’une maladie grave, d’un véritable cancer.» Les grillages noués qui poussent comme des champignons et les hommes qui les installent en toute impunité sont évidemment dans le viseur. « De très riches propriétaires, à 99% parisiens, achètent de grands domaines et massacrent cette région en la transformant en d’immenses labyrinthes où les animaux sauvages, qui ont besoin de liberté, ne peuvent plus vivre. Ces personnes sont en train de tuer la Sologne ! » 

                 Un cerf et aussi deux visages connus, Éric Elmosnino et François Berléand.
                                                    Photo © Émilie RENCIEN

La chasse, mais pas dans ces conditions

Le constat n’est pas  nouveau, l’indignation ne date pas de ce matin. Que faire alors ? C’est un peu le pot de terre contre le pot de fer. Beaucoup préfèrent égoïstement fermer les yeux ; d’autres se sentent impuissants, animés par une farouche envie de délier tous ces pieds et ces poings. « Il nous faudrait des hommes politiques courageux, » a confirmé Nicolas Vanier. «Il n’y a en a pas, ou ils ne le sont plus. Jadis, nous avons eu De Gaulle, Churchill. Nous sommes aujourd’hui face à un lobbying, je ne citerai pas de nom même si je le pourrai. Nous avons des députés, des sénateurs, des décideurs politiques qui chassent tous ou en partie en Sologne. Une loi permettrait de faire cesser cet engrillagement mais nous nous heurtons à cette problématique. Pour ajouter une fenêtre à votre maison, vous devez déposer un permis de construire. Quand par contre un propriétaire achète 1.000 hectares en Sologne, il peut dans la seconde interdire l’accès à son voisin, entraver la libre circulation des animaux. C’est aberrant, c’est un scandale !» Tournant les talons pour retourner sur le plateau sis en pleine nature chambordienne luxuriante, Nicolas Vanier pointe encore du doigt ce que nous sommes nombreux et nombreuses à penser. Par exemple, ces lâchers à foison de perdreaux, faisans et canards d’élevage qui périssent au premier carrefour ou sont dévorés par un renard lorsqu’ils ne tombent pas sous les balles tirées par une chasse devenue superficielle et se rapprochant davantage du « ball-trap » qu’autre chose. « Je n’ai rien contre la chasse, » a précisé le réalisateur. «Mais pas dans ces conditions qui n’ont plus rien à voir avec les vrais chasseurs et vrais pêcheurs, avec les vrais amoureux de la nature, avec ce que je donne à voir dans mon film.» Et François Berléand dans son habit rouge, non pas de père Noël mais bien de chasseur, il en pense quoi de tout ça ? Lorsque nous avions assisté à une session de tournage à Neung-sur-Beuvron le 19 octobre, le comédien s’était montré fort sympathique. À Chambord, le 25 octobre, accompagné de son épouse et de ses deux filles, des jumelles aux boucles d’or qui rentraient d’une balade au château de Chambord, le bonhomme s’est à nouveau prêté volontiers au jeu des questions-réponses avec la presse, pendant qu’Éric Elmosnino est resté fidèle à lui-même, blagueur en coulisses, également plus fuyant, préférant crapoter dans son coin. « Je ne sais pas monter à cheval, je suis déjà tombé et là, c’était imprévu. J’étais un peu énervé tout à l’heure, ça va mieux maintenant, » a réagi l’artiste avec un grand sourire. « Oui, ce film parle de la chasse mais c’est plus que ça. Le fil conducteur, c’est la nature et l’éveil d’un enfant. » Et donc ? « Je suis parisien. J’ai vécu à droite, à gauche, en France et à l’étranger. » Il s’interrompt, puis répète différemment. « Je suis un citadin. Il ne faut pas me demander de distinguer ici, là, les essences. Je fais la différence entre un chêne et un saule pleureur. Un marronnier, sinon. Mais après… » L’« école buissonnière » sortira dans les salles obscures le 11 octobre 2017.

Émilie RENCIEN

 http://www.le-petit-blaisois.fr/

jeudi 27 octobre 2016

Une journée d’école buissonnière avec Nicolas Vanier, François Berléand et Éric Elmosnino


Nous l’avouons, nous avons séché certains de nos rendez-vous lundi 17 octobre pour rejoindre le tournage du réalisateur qui filme en ce moment en Sologne. Mea culpa en mots et en images.


                 François Berléand concentré entre deux prises. photo © Émilie RENCIEN


Faire le mur apporte toujours son lot de surprises. Et assister à un tournage de Nicolas Vanier, ça se mérite. Avant d’arriver sur le lieu qui nous avait été indiqué, la route fut longue en voiture pendant près d’une heure sous de brèves mais violentes averses car le point de rendez-vous n’était pas si aisé à dénicher une fois au volant. Plusieurs arrêts furent nécessaires pour tenter de repérer la bonne voie à l’aide de notre téléphone connecté et du fichier PDF mailé. Un panneau « route barrée » tout à coup. Nous nous retrouvons engagés sur une route qui ressemble à beaucoup d’autres mais au bout de laquelle s’érige une majestueuse forêt et un superbe château, celui de de Villebourgeon, en briques de couleur rouge-rose typiques de la Sologne, agrémenté d’un paisible étang. C’était alors parti pour « l’école buissonnière », le titre du nouveau long-métrage (1) que Nicolas Vanier réalise dans le Loir-et-Cher (et également dans le Loiret) depuis plusieurs semaines. À l’origine, c’était « Sologne » mais cela faisait sans doute trop songer à un documentaire. « Ce n’était pas adapté, pas assez évocateur, » commente Philippe Gautier, le directeur de production, que nous croisons en essayant d’activer notre sens de l’orientation. « Vous vous êtes perdue ? Vous êtes du journal le Parisien ? Vous ne connaissez pas votre région alors ? » Quelques échanges plus tard, nous devons parcourir un long chemin herbeux pour rejoindre les caméras installées plus loin. Nous croisons des hommes apprêtés pour le tournage, évoquant un autre temps et surtout chaussés de bottes contrastant avec nos chaussures à talons que nous avions oublié de changer dans la précipitation. Paul, un orphelin parisien qui débarque dans un vaste domaine de Sologne géré par un garde-chasse froid et distant, c’est bien le pitch du film, non ? L’enfant des villes qui pose ses valises à la campagne ? Nous sommes dans le thème finalement, tout en trébuchant parfois sur des pierres. Deuxième arrivée au bon endroit, cette fois enfin au cœur de l’action. Tout un camp gitan a été reconstitué, là, au milieu d’une clairière ensoleillée après l’épisode pluvieux. Des guitares, un singe sur l’épaule d’une femme, des jupes longues, des enfants qui s’amusent, du vin sur une table et un feu de bois en train de crépiter. L’immersion est immédiate, on s’y croirait et nos mésaventures sont vite oubliées. «Moteur ! Plus personne ne bouge ! Ça tourne… Coupez ! » Un chien aboie au loin, des chevaux sont au pré, une jeune fille danse et François Berléand observe, mains gantées, cravate nouée sous un élégant gilet de costume, casquette-béret plate grise visée sur la tête. Jean Scandel, un garçon de 12 ans encore inconnu du grand public mais qui ne devrait pas le rester longtemps, se prépare dans un coin en attendant, pris en charge par une maquilleuse dans les bois solognots, pour se mettre tout à l’heure dans la peau du personnage de Paul. Entourés de 60 techniciens, Nicolas Vanier et son premier assistant-réalisateur, Olivier Horlait, guident et conseillent comédiens et figurants avec patience, précision et calme jusqu’à ce que la prise lancée soit parfaite. « Le cinéma, ce n’est pas ce que l’on imagine, » remarque d’ailleurs une figurante aux cheveux noir de jais bien coiffés que nous connaissons. Il s’agit d’Amandine Deniau qui fut Miss Centre-Val de Loire et qui travaille actuellement dans l’entreprise Celliob de ses parents à Selles-sur-Cher. Elle raconte. « Je joue une parisienne et on m’a coupé un peu les cheveux. Les journées sont longues, chaque scène est répétée puis captée plusieurs fois pour avoir le résultat escompté. Oui, c’est une bonne expérience, c’est mon premier film. Ici, avec Nicolas Vanier, l’ambiance est sympathique. Nous avons par exemple aujourd’hui déjeuné tous ensemble, avec les acteurs, à la bonne franquette. J’espère que cela donnera l’idée à d’autres réalisateurs de venir tourner dans notre belle région.» Pas sûr mais il ne faut jamais dire jamais. «Tourner en Sologne, c’est rare parce que c’est compliqué en fait. Pas de réseau ou une fois tous les cinq mètres, des lieux reculés, des problèmes de logement pour les équipes,» remarque à nouveau Philippe Gautier, puis il nuance. « Un excellent accueil par contre.  À Neung-Sur Beuvron, le maire (Guillaume Peltier, ndrl) nous a permis de stocker notre matériel et nos costumes dans plusieurs salles dont celle du conseil municipal. Les animaux ? C’est le solognot Laurent Charbonnier qui gère les séquences. Dans le film, vous verrez des écureuils sur leurs arbres, des traversées de cerfs, etc.»


                       Sur le tournage, Éric Elmosnino a toujours le mot pour (faire) rire.
                                                           photo © Émilie RENCIEN

Rendez-vous dans un an

En regardant discrètement les scènes s’enchaîner et la fausse pluie tomber drue  en s’échappant d’impressionnants tuyaux dirigés vers les nuages grâce à de solides structures métalliques verticales (c’est ça, la magie du cinéma), nous relisons le scénario, enfin le résumé. Un parisien qui débarque dans la cambrousse solognote peuplé de gitans, de roulottes et de chasseurs, ce n’est pas trop cliché ? « Non, c’est ce que je vois depuis 50 ans, » affirme Nicolas Vanier qui nous a accordé deux minutes d’entretien, chrono en main. « L’idée m’est venue en lisant Maurice-Genevoix, en me remémorant mon enfance. C’est un parti pris, c’est la Sologne de mes souvenirs et la nature que j’aime.» Bon, bon… Et François Berléand (2), il en dit quoi ? «La dernière fois, c’était vert. Avec l’automne, les couleurs ont changé. La Sologne, c’est beau, c’est la nature, » confie-t-il devant le château privé, après avoir quitté le camp de gitans factice déjà démonté, et avant de faire semblant de promouvoir sa nouvelle pièce de théâtre suite à une boutade d’Olivier Horlait. À quelques pas, le moustachu Éric Elmosnino, qui a lâché sa cigarette, jongle avec son parapluie tout près d’un ballet de voitures anciennes et multiplie les blagues entre deux prises pour faire rire les uns et les autres. « Le vieux, t’es prêt ? » « Ta gueule, j’arrive !»  lui répond d’un ton bon enfant le barbu Berléand, qui s’était aussitôt engouffrer dans le château après l’interview. Amusée, une autre figurante, Nina Von Rönne, portant une valise, vêtue d’un long manteau marine et d’une robe rose des années 30, s’extasie. « J’ai été castée lors d’un vernissage à Paris. La comédie, ce n’est pas mon métier mais j’apprends. J’ai dû improviser hier et me dénuder un peu. C’était drôle, je m’en souviendrai, c’est génial ! » Le tournage de « l’école buissonnière » s’achèvera si tout va bien à la fin du mois de novembre. Pour voir le résultat sur grand écran, il faudra attendre le 11 octobre 2017. Une projection en avant-première sera certainement organisée en Sologne pour remercier ses habitants et ses élus. Nous avons hâte de retenter l’école buissonnière, hors des sentiers battus.

Émilie RENCIEN

(1) Faut-il préciser les films à son actif ? « Le dernier trappeur » (2004), «l’Odyssée sauvage » (2006), « Loup » (2009), et récemment «Belle et Sébastien » (2013).
(2) Également au casting, un autre François, Cluzet.

 Publié sur http://www.lepetitsolognot.fr/

dimanche 23 octobre 2016

Jérémy Ferrari : « je me situe entre le one-man show comique et le stand-up engagé»


L’humoriste sera vendredi 4 novembre sur la scène du Palais d’Auron à Bourges, dans le Cher, avec son spectacle « vends deux pièces à Beyrouth ». Un sujet détonant et un artiste sans langue de bois.

Derrière le costume bien sous tous rapports, un mélange de provoc' et d'humour noir. (c) DR




En ce moment, Jonathan Lambert divertit avec les dictateurs. Vous, c’est la guerre. Est-ce « à la mode » ?
«On me le demande souvent mais ce n’est pas vraiment la question. En fait, nous ne sommes pas tant que cela à parler des conflits. Qu’on évoque la guerre, les attentats ou les dictateurs, ce sont des sujets qui surfent sur l’air du temps. »

Surprenante idée tout de même. Comment vous est-elle venue d’ailleurs ?
« Elle a germé il y a deux ans et demi. Je m’interrogeais alors : à qui profite le crime ? Enfin, les guerres.»

Et vous avez trouvé votre réponse ?
« Oui. J’ai réalisé un travail de recherche tout comme un journaliste. Vous savez, la géopolitique, c’est formidable.  Vous croyez vraiment Nicolas Sarkozy lorsqu’il dit que faire la guerre en Lybie, c’est pour libérer le peuple ? »

Votre arme à vous, c’est l’humour finalement ?
« Je casse les codes et je me sers de documents sur lesquels j’ai mis la main et qui ne sont pas sortis dans la presse. Je parle de flics en roller, d’un recruteur de djihadistes, des ONG, etc. Je mets aussi en scène ce pompiste qu’on a oublié de la petite station-service de Villers-Cotterêts où se sont arrêtés les frères Kouachi après Charlie. Je me situe entre le one-man show comique et le stand-up engagé. Oui, c’est un spectacle très engagé qui va déranger mais qui fait rire. Il est aussi je crois très généreux. J’aime échanger avec le public et il ne faut pas oublier pourquoi ça marche.»

Peut-on vraiment rire de tout ?
« Les réactions dans la salle sont très positives. Mon premier spectacle sur les religions avait déjà bien marché. L’humour noir n’est pas ce que l’on croit. Les gens en ont marre qu’on leur mente. Et parler de moi dans un spectacle, ça ne m’intéresse pas. Ma seule et unique préoccupation est la suivante : vais-je faire marrer les gens ? Je ne me rends dans les soirées branchées, je ne m’affiche pas à telle ou telle terrasse, je ne me regarde pas tous les jours dans le miroir, je ne suis pas une star pour ados. Je suis loin de tout ça.»

Vous apparaissez tout de même dans la presse people ces jours-ci suite avec votre clash par émissions interposées avec Cyril Hanouna et Mathieu Delormeau?
«Pour l’équipe de Touche pas à mon Poste, ça ne m’étonne pas… Mais moi, ici encore, ça ne m’intéresse vraiment pas. C’est ce qui est massivement relaté ; aucun journaliste ne parle par contre de ce que j’ai exposé sur le Gabon ! »

En discutant avec vous, vous semblez justement différent de l’image qui est souvent dépeinte dans les médias…
« Peut-être parce que j’ai débuté chez Laurent Ruquier à la TV sur France 2, dans « on ne demande qu’à en rire ». À partir de ce moment-là, on vous met dans une case, les journalistes catégorisent. Et on associe le populaire à quelque chose de négatif. J’ai ramé presque dix ans avant d’y arriver.» 

Et vos autres projets ? Où en êtes-vous par exemple dans le tournage de votre comédie noire sur le chômage ?
« La production a changé, nous avons des désaccords, c’est en stand-by pour le moment. Mais j’ai signé pour deux autres scénarios, une comédie et un film sur la vie de Philippe Croizon, le premier amputé des quatre membres à avoir traverser la Manche à la nage. Sinon, je continue « les grosses têtes » avec Laurent Ruquier sur RTL et la tournée de mon spectacle se poursuit en France. Des dates sont prévues en Espagne, au Canada,  en Afrique également. J’ai hâte. »

Vous n’avez bien sûr pas joué « vends deux pièces à Beyrouth » à Beyrouth ?
«Le Liban, on m’a proposé mais avec des conditions, impossible de jouer librement, j’ai refusé. J’irai dans les pays où on me laisse parler.»

Interview : Émilie RENCIEN

 http://www.le-petit-berrichon.com/