samedi 27 août 2016

Le condiment « made in France » bientôt de retour dans vos assiettes

Le monde change mais les classiques demeurent et sont même remis au goût du jour. La culture du cornichon par exemple.


Le cornichon français revient en force. © Émilie RENCIEN


Manger local et français. C’est la grande tendance du moment. C'est aussi une demande forte du consommateur qui cherche à garnir davantage sa liste de courses de produits du terroir. Y compris quand il s’agit d’organiser un apéro. Les français adorent agrémenter leurs cochonnailles de cornichons (22.000 tonnes ingurgitées par an et 65 millions de bocaux vendus en grandes et moyennes surfaces également annuellement). Ils en jettent aussi leurs salades et  leurs plats. Seulement, voilà, il y a un os dans l’assiette : cet article de grande consommation nageant dans du vinaigre et de l’estragon, serré dans des conserves vendues sur les rayonnages des épiceries et des supermarchés, est indien. Le dernier fabricant de cornichons MDD (marques de distributeurs) dans l’Hexagone n'est autre que le groupe Reitzel, dont le siège est basé en Suisse et qui possède deux usines en France; la première est sise dans la Sarthe, à Connerré; la seconde est implantée dans le Loir-et-Cher, à Bourré. Cette entreprise, spécialiste des condiments et des sauces à salades, saisit le problème au bond : une filière de production de cornichon français vient d’être relancée, en partenariat avec la Chambre d’agriculture de Loir-et-Cher. «Le cornichon est né au pied du Mont–Everest, est cultivé depuis 3.000 ans dans les plaines himalayennes, » explique Emmanuel Bois, directeur général France de Reitzel. «Nous avons d’ailleurs une usine en Inde depuis 2003 et nous y avons créé toute une filière avec des équipes sur place et une traçabilité de la graine au bocal. »


Dans le Loir-et-Cher, le fruit vert apparaît à nouveau dans les champs. © Émilie RENCIEN


Bien pour l’économie locale…


Le cornichon indien est très bon, ce n’est pas le souci en fait. Encore une fois, le consommateur devient de plus en plus chauvin. Une parcelle de 2,5 hectares de ce fruit (selon les botanistes, tous les légumes issus d’une fleur sont des fruits) de la famille des cucurbitacées est donc sortie de terre dans la Sarthe, à Conneré, à proximité de l’usine Reitzel précitée. Avec cette nouvelle, les souvenirs refont surface dans les esprits tout comme les cornichons dans les champs. « J’allais les cueillir lorsque j’étais plus jeune… » Éric Grouard, agriculteur sur la route de Chambord à Maslives (légumes et céréales), se remémore également. «Je cultivais des cornichons avec mon père il y a vingt ans. » L’exploitant agricole loir-et-chérien a décidé de sauter le pas à nouveau à l’instar de son collègue sarthois. À Maslives, les plantes rampantes aux fleurs jaunes caractéristiques se répartissent sur 1,60 ha. «J’ai deux variétés. La première cueillette a eu lieu le 15 juillet ; la récolte se terminera à la fin du mois d’août, » précise-t-il. «Neuf personnes sont dédiées à ce travail manuel et j’ai investi dans un système de goutte-à-goutte. » 


… et le moral ?


Si le projet est beau sur le papier, reste à voir dans le temps s’il sera vraiment rentable, le coût du ramassage et de la main d’œuvre en France étant un obstacle indéniable, ça va sans dire. Le groupe Reitzel y croit en tout cas. «Le coût est multiplié par six entre un cornichon indien et un cornichon français, » confirme et reconnaît Emmanuel Bois, puis rassure. « Le prix d’achat d’un bocal sera pourtant accessible pour le consommateur. Pour cela, nous allons réduire nos marges d’un tiers et nous voulons établir une relation tripartite entre l’industrie, l’agriculture de proximité et la grande distribution. Certaines grandes surfaces jouent déjà le jeu et d’autres devraient suivre.» À Maslives, Éric Grouard s’est engagé à fournir 20 tonnes à Reitzel ; il est question de 40 tonnes côté Sarthe.  « Nous souhaitons vraiment relancer cette filière hexagonale et nous espérons que d’autres producteurs vont se joindre à nous pour cette expérience, » insiste le directeur général de Reitzel. «Nous visons cette année 0,3 % du marché français avec deux références (deux calibres plus exactement, le mini cornichon notamment qui fait actuellement un tabac  à l’apéritif, ndrl). Notre objectif d’ici dix ans est de multiplier ce pourcentage par dix. » Il faudra donc bien lire les étiquettes si vous voulez être sûr de croquer un cornichon français. De toute façon, peu importe le pays d’origine : manger ce condiment vert serait bon pour le moral car il contient de la sérotonine, l’hormone du bien-être. C’est le professeur Michel Lejoyeux qui l’affirme, alors si ça, ce n’est pas un signe. Et c’est aussi moins calorique qu’une tablette de chocolat. Sans doute pas si cornichon que ça !

Émilie RENCIEN

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