mercredi 31 août 2016

Jean-Marc, ce Ayrault qui vole au secours du tourisme


Le ministre des affaires étrangères et du développement international avait promis de revenir. Son déplacement loir-et-chérien, annulé mardi 26 juillet suite à l’attentat du père Jacques Hamel à Saint-Étienne-du-Rouvray, a finalement au lieu mardi 23 août. Au programme de cette visite, deux châteaux de la Loire et un discours engageant.

Jean-Marc Ayrault le 23 août au Château de Chambord avec Jean d'Haussonville et Guillaume Garot, respectivement directeur et président du Domaine national.  photo © Émilie RENCIEN

Une motte de terre dans les mains, Jean-Marc Ayrault a joué les touristes dans les jardins de Chaumont-sur-Loire avec la directrice des lieux, Chantal Colleu-Dumond, et le président du Conseil Départemental, Maurice Leroy... 
photo© Émilie RENCIEN


« Confiance, résilience, sans résignation ». Ces trois mots résument le plan de bataille de Jean-Marc Ayrault, l’ancien Premier ministre jugé pourtant peu combatif par le Président François Hollande dans ses « conservations privées » (*), pour sauver le tourisme en péril. Le Nantais, appréciant visiblement les tryptiques, a ajouté qu’il fallait «  rassurer, expliquer, communiquer. ». Le chef de la diplomatie française a par conséquent égrainé mardi 23 août les chiffres sous une chaleur caniculaire, calé derrière un pupitre installé près d’un arbuste et de rosiers dans le Domaine régional de Chaumont-sur-Loire : 2 millions d’emplois (directs et indirects) issu du secteur touristique, soit près de 8% de la richesse nationale ; + 6,5% de fréquentation pour les festivals d’Avignon et + 32% pour les Francofolies de la Rochelle ; + 2% pour les parcs d’attraction ; +8% pour l’hébergement de plein air ... « Nous devons communiquer. Il faut une communication positive, » a répété Jean-Marc Ayrault à plusieurs reprises, en annonçant la réunion d’un comité d’urgence en septembre, la tenue d’une deuxième conférence annuelle du tourisme à l’automne précédée par un comité interministériel, et l’organisation d’assises du tourisme. « Je crois à fond au dialogue avec les professionnels du tourisme ! » Pourtant, trop de communication tue… Frédéric Valletoux, président du Comité régional du tourisme d’Ile-de-France, a confié à nos confrères de Libération que « l’heure n’est plus aux campagnes de communication », demandant plutôt la mise en place d’un plan Orsec pour épauler une activité touristique francilienne qui accuse une baisse sans précédent depuis 2010 et qu’il qualifie de « catastrophe industrielle », avec une perte estimée à 749,7 M€ de chiffre d’affaires depuis janvier 2016 pour cette région. Si 85 millions de touristes ont été comptabilisés sur l’année 2015, cette saison 2016 s’annonce en effet moins prometteuse avec un ciel chargé de nuages qui se sont accumulés au-dessus de l’Hexagone : 50 jours de pluie supplémentaires au deuxième trimestre, seulement deux jours fériés hors weekend (contre 5 l’an passé), attentats et grèves… « Il y a eu une combinaison de plusieurs facteurs, » a confirmé le ministre Ayrault. «La menace sécuritaire a eu une influence sur une clientèle aisée et sur l’Asie, tout comme d’autres causes internes et des situations économiques ont agi pour la Russie et Brésil. Le maximum est fait pour l’obtention de visas ; nous voyons déjà des effets pour l’Inde, le Mexique, les États-Unis. Quant au Brexit, non, le public britannique n’a pas boudé la France. Nous avons à reconquérir par contre le marché allemand. La France reste toutefois la première destination touristique au monde. »




 À Chambord, voyage dans le temps avec la tablette Histopad, réunion dans la salle des trophées des chasses sans oublier une petit verre de Cheverny pour le ministre... 
photos © Émilie RENCIEN

La règle des  « trois »

« Persévérance, cohésion, mobilisation. » Jean-Marc Ayrault n’a cessé pendant son déplacement du 23 août de montrer sa foi dans le retour de lendemains qui chantent. Un, deux, trois …Partez. Mais  la France est-elle prête ? « Le tourisme est une filière industrielle d’avenir, » a insisté le membre du Gouvernement Hollande, après avoir visité une cave à Montlouis-sur-Loire, s’être baladé dans les jardins du Festival de Chaumont et avant d’inaugurer la halle d’accueil du château de Chambord. « Il faut être ambitieux ; faire des efforts notamment sur les prix ; proposer une offre plus riche, plus accessible et plus lisible. En France, on s’auto-dénigre souvent mais quand on voyage à l’étranger comme moi, plus on s’éloigne, plus on va vers l’essentiel et plus on voit que beaucoup nous envient. Soyons-en conscients sans vivre sur nos acquis. N’occultons pas les problèmes, regardons la réalité en face. Nos atouts doivent nous encourager, nous devons défendre notre art de vivre et un pays qui veut continuer à vivre. C’est un enjeu économique, social, culturel. Politique aussi. Je parle avec franchise face aux nombreux défis à relever et c’est un message de confiance que j’adresse aux professionnels du tourisme et également à la population.» Cette missive verbale suffira-t-elle à rassurer les uns et les autres ? Si la région Centre-Val de Loire tire en 2016 son épingle du jeu (400.000 visiteurs pour le Domaine régional de Chaumont ; 1,5 million de visiteurs sur l’ensemble du site du Domaine national de Chambord et un peu moins de 800.000 pour le Château ; + 7% de fréquentation au Château de Valençay, etc. Avec 50.000 emplois non délocalisables enregistrés et « des acteurs engagés, innovants, qui ont confiance » selon le ministre), ce n’est pas le cas pour tout le monde comme en atteste encore une fois, la fragilité de la destination Paris. Une diminution de 10% des réservations a été constatée, même pendant l’Euro de football.  Un plan de relance de la destination France a d’ailleurs été décidé par l’État, doté de 500.000 € supplémentaires particulièrement en direction de l’Ile-de-France et de la Côte d’Azur. En attendant des jours meilleurs, la grogne du contribuable était, elle, palpable mardi 23 août au passage d’une dizaine de camions de CRS, plus des berlines, mobilisés pour un déplacement ministériel. Et ce dernier s’interrogeant : le changement, c’est pour quand ?

Émilie RENCIEN

(*) Le fameux livre signé par les journalistes Antonin André et Karim Rissouli,


 1,2, 3... Et bien plus de ministres reçus en 2016 dans le Loir-et-Cher et le Centre-Val de Loire. photo © Émilie RENCIEN



Année exceptionnelle

À tous les niveaux, 2016 fut peu ordinaire et "à part", comme l'a indiqué Jean-Marc Ayrault. Inondations, attentats, conflits sociaux, vols annulés…Et un constat : des ministres en pagaille reçus dans le département du Loir-et-Cher. Déjà six au compteur : Manuel Valls, Audrey Azoulay, Ségolène Royal, Bernard Cazeneuve, Patrick Kanner, Jean-Marc Ayrault. Plus un Président (de la République), François Hollande à Romorantin en juin (qui sera à Orléans pour la rentrée scolaire jeudi 1er septembre, et peut-être à la mi-septembre à Châteauroux au Congrès de la protection civile). Et le défilé n’est pas fini, bientôt sept : le ministre Stéphane Le Foll sera les 1e et 2 septembre à Chambord pour discuter PAC avec ses homologues européens. Le Château sera ainsi totalement fermé au public pendant ces deux jours, mettant une partie du personnel du Domaine national en congés forcés. Et puis, en attendant 2017, c’est un autre ballet politique qui va commencer, pour les primaires, cette fois,… dès le 8 septembre avec un meeting de Nicolas Sarkozy annoncé à 18h au Minotaure de Vendôme.
É.R.



samedi 27 août 2016

Le condiment « made in France » bientôt de retour dans vos assiettes

Le monde change mais les classiques demeurent et sont même remis au goût du jour. La culture du cornichon par exemple.


Le cornichon français revient en force. © Émilie RENCIEN


Manger local et français. C’est la grande tendance du moment. C'est aussi une demande forte du consommateur qui cherche à garnir davantage sa liste de courses de produits du terroir. Y compris quand il s’agit d’organiser un apéro. Les français adorent agrémenter leurs cochonnailles de cornichons (22.000 tonnes ingurgitées par an et 65 millions de bocaux vendus en grandes et moyennes surfaces également annuellement). Ils en jettent aussi leurs salades et  leurs plats. Seulement, voilà, il y a un os dans l’assiette : cet article de grande consommation nageant dans du vinaigre et de l’estragon, serré dans des conserves vendues sur les rayonnages des épiceries et des supermarchés, est indien. Le dernier fabricant de cornichons MDD (marques de distributeurs) dans l’Hexagone n'est autre que le groupe Reitzel, dont le siège est basé en Suisse et qui possède deux usines en France; la première est sise dans la Sarthe, à Connerré; la seconde est implantée dans le Loir-et-Cher, à Bourré. Cette entreprise, spécialiste des condiments et des sauces à salades, saisit le problème au bond : une filière de production de cornichon français vient d’être relancée, en partenariat avec la Chambre d’agriculture de Loir-et-Cher. «Le cornichon est né au pied du Mont–Everest, est cultivé depuis 3.000 ans dans les plaines himalayennes, » explique Emmanuel Bois, directeur général France de Reitzel. «Nous avons d’ailleurs une usine en Inde depuis 2003 et nous y avons créé toute une filière avec des équipes sur place et une traçabilité de la graine au bocal. »


Dans le Loir-et-Cher, le fruit vert apparaît à nouveau dans les champs. © Émilie RENCIEN


Bien pour l’économie locale…


Le cornichon indien est très bon, ce n’est pas le souci en fait. Encore une fois, le consommateur devient de plus en plus chauvin. Une parcelle de 2,5 hectares de ce fruit (selon les botanistes, tous les légumes issus d’une fleur sont des fruits) de la famille des cucurbitacées est donc sortie de terre dans la Sarthe, à Conneré, à proximité de l’usine Reitzel précitée. Avec cette nouvelle, les souvenirs refont surface dans les esprits tout comme les cornichons dans les champs. « J’allais les cueillir lorsque j’étais plus jeune… » Éric Grouard, agriculteur sur la route de Chambord à Maslives (légumes et céréales), se remémore également. «Je cultivais des cornichons avec mon père il y a vingt ans. » L’exploitant agricole loir-et-chérien a décidé de sauter le pas à nouveau à l’instar de son collègue sarthois. À Maslives, les plantes rampantes aux fleurs jaunes caractéristiques se répartissent sur 1,60 ha. «J’ai deux variétés. La première cueillette a eu lieu le 15 juillet ; la récolte se terminera à la fin du mois d’août, » précise-t-il. «Neuf personnes sont dédiées à ce travail manuel et j’ai investi dans un système de goutte-à-goutte. » 


… et le moral ?


Si le projet est beau sur le papier, reste à voir dans le temps s’il sera vraiment rentable, le coût du ramassage et de la main d’œuvre en France étant un obstacle indéniable, ça va sans dire. Le groupe Reitzel y croit en tout cas. «Le coût est multiplié par six entre un cornichon indien et un cornichon français, » confirme et reconnaît Emmanuel Bois, puis rassure. « Le prix d’achat d’un bocal sera pourtant accessible pour le consommateur. Pour cela, nous allons réduire nos marges d’un tiers et nous voulons établir une relation tripartite entre l’industrie, l’agriculture de proximité et la grande distribution. Certaines grandes surfaces jouent déjà le jeu et d’autres devraient suivre.» À Maslives, Éric Grouard s’est engagé à fournir 20 tonnes à Reitzel ; il est question de 40 tonnes côté Sarthe.  « Nous souhaitons vraiment relancer cette filière hexagonale et nous espérons que d’autres producteurs vont se joindre à nous pour cette expérience, » insiste le directeur général de Reitzel. «Nous visons cette année 0,3 % du marché français avec deux références (deux calibres plus exactement, le mini cornichon notamment qui fait actuellement un tabac  à l’apéritif, ndrl). Notre objectif d’ici dix ans est de multiplier ce pourcentage par dix. » Il faudra donc bien lire les étiquettes si vous voulez être sûr de croquer un cornichon français. De toute façon, peu importe le pays d’origine : manger ce condiment vert serait bon pour le moral car il contient de la sérotonine, l’hormone du bien-être. C’est le professeur Michel Lejoyeux qui l’affirme, alors si ça, ce n’est pas un signe. Et c’est aussi moins calorique qu’une tablette de chocolat. Sans doute pas si cornichon que ça !

Émilie RENCIEN

mardi 2 août 2016

Été meurtrier

Les Châteaux de la Loire n’auront jamais autant accueilli de personnalités politiques qu’en 2016. Ce, dans un contexte particulier.

Ce fut un vrai ballet cette année à Chambord et à Chaumont-sur-Loire : le Premier ministre Manuel Valls en avril, les ministres Audrey Azoulay pour la culture en avril et suite aux inondations en juin, et Ségolène Royal pour l’environnement en mai… C’est ce que nous avons pensé à la mi-juillet lorsque une énième venue, celle de Jean-Marc Ayrault, fut annoncée à demi-mots avant d’être confirmée quelques jours plus tard. L’ancien maire de Nantes, ministre des affaires étrangères et du développement international,  aurait dû passer l’après-midi du mardi 26 juillet dans le Loir-et-Cher pour cheminer parmi les jardins de Chaumont et observer les fameuses cheminées de Chambord sous un soleil estival, suivi par une horde de journalistes, au milieu des touristes, après avoir goûté en matinée l’élixir des caves de Montlouis-sur-Loire, dans l'Indre-et-Loire. À midi ce jour-là, alors que nous nous mettions en route, un sms a malheureusement annoncé l’annulation de ce programme. Pas dramatique en soi ; la suite du texto l’était par contre, assortie de la raison de ce rendez-vous manqué, à savoir la terrible nouvelle d’un nouveau crime odieux, cette fois perpétré sur un prêtre octogénaire dans une église en Seine-Maritime. Nous aurions par conséquent préféré publier dans ces pages des photos de cette visite ministérielle prévue (où justement la dimension sécuritaire devait être abordée en sus de l’aspect touristico-économique) plutôt que d’écrire ces lignes qui témoignent d’un été meurtrier après Nice, Kaboul, Munich…. Et là aussi, nous aurions préféré … Parler du film de Jean Becker avec Isabelle Adjani.


«Nous gagnerons, nous respirons la liberté»

Patrick Kanner a murmuré à l’oreille des chevaux à Lamotte-Beuvron... © Émilie RENCIEN


Les évènements toujours, dans tous les esprits. Croisé sous une chaleur caniculaire mardi 19 juillet en Sologne à l'occasion de la compétition équestre du Generali Open de France à Lamotte-Beuvron, Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, a quitté sa monture (de lunettes de soleil) pour répondre à la presse qui n'a pas manqué de le questionner sur ledit sujet, malgré l'ambiance bon enfant qui régnait sur place. Le membre du Gouvernement Hollande nous a alors confié un message en commençant avec ces trois mots : "la vie, la résilience et la résistance." Puis, continuant. "Nous sommes en guerre, je crois que tout le monde l’a compris. Nous devons être en résilience, c’est-à-dire qu’il faut avoir une pensée pour les 250 morts depuis janvier 2015 et les 300 victimes de Nice le 14 juillet. Cette résilience doit nous amener à retrouver l’esprit français de la résistance et nous gagnerons. On gagnera car la vie est plus forte que tout. Avec l’idéologie morbide, mortifère, totalitaire dans ces idées qu’on veut nous imposer, nous, nous respirons la liberté." À ce moment-là, tombant à pic, la Marseillaise a retenti sur le podium des cavaliers médaillés, à Lamotte-Beuvron. Le ministre a conclu ainsi. "Réécoutez les paroles de la Marseillaise, elles sont terribles..."

Émilie RENCIEN