Tout le monde (ou presque) le sait désormais : le réalisateur
tourne en ce moment un long-métrage, « l’école buissonnière ». Après
La Ferté St-Cyr, Mennetou-sur-Cher, Neung-sur-Beuvron, la Ferté-Imbault et
d’autres communes, ses caméras étaient posées mardi 25 octobre dans la forêt du
château de Chambord. Il en a profité pour pousser un coup de gueule justifié.
Un cerf « imprégné »,
habitué à l’homme, à la magnifique robe rousse faisant écho aux feuilles des
arbres actuellement automnales, court dans un sol herbeux et boueux, ses sabots
fendant l’eau et arborant fièrement un imposant couvre-chef comptant au moins 20
cors. L’un des acteurs principaux du film est là, devant nos yeux, à Chambord,
tout près de l’interminable mur d’enceinte du Domaine national à proximité dont
on aperçoit un morceau. Muriel Bec, dresseuse d’animaux professionnelle basée dans
le Loiret, dirige l’animal, tandis que Nicolas Vanier est installé derrière les
caméras pour saisir l’instant d’une rare beauté, épaulé par le solognot Laurent
Charbonnier, assis en contrebas sur un talus. La scène est dans la boîte, le
très grand cerf de retour dans son box de transport. Nicolas Vanier est radieux,
satisfait d’avoir capté ces images exceptionnelles et difficilement réalisables.
Bien qu’il filmait mardi 25 octobre une séquence de chasse à courre fictive avec
un moustachu Éric Elmosnino attaqué par les moucherons et un François Berléand
barbu tétanisé par les chevaux, le réalisateur qui habite en Sologne ne s’est pas
retenu pour taper du poing sur le bois solognot. «Après avoir tourné en
Sibérie, au Nord du Canada, dans les montagnes et avant de me retrouver en mars
2017 seul avec mes chiens en Alaska, je raconte cette fois l’histoire d’un
petit parisien en 1930, un orphelin qui se retrouve dans un domaine en Sologne
appartenant à un vieux comte joué par François Berléand, avec un garde-chasse,
Éric Elmosnino, et où sévit un braconnier. Je décris de vraies valeurs dans un
monde où tout s’accélère et où on laisse mourir de faim des enfants derrière
des grillages. Je montre ces terres que j’aime profondément, ce monde
merveilleux et ce qu’offre de plus beau la Sologne. Et non pas son côté triste… Oui,
la Sologne est atteinte d’une maladie grave, d’un véritable cancer.» Les
grillages noués qui poussent comme des champignons et les hommes qui les
installent en toute impunité sont évidemment dans le viseur. « De très
riches propriétaires, à 99% parisiens, achètent de grands domaines et massacrent
cette région en la transformant en d’immenses labyrinthes où les animaux
sauvages, qui ont besoin de liberté, ne peuvent plus vivre. Ces personnes sont
en train de tuer la Sologne ! »
Un cerf et aussi deux visages connus, Éric Elmosnino et François Berléand.
Photo © Émilie RENCIEN
Photo © Émilie RENCIEN
La chasse, mais pas dans ces conditions
Le constat n’est pas nouveau, l’indignation ne date pas de ce
matin. Que faire alors ? C’est un peu le pot de terre contre le pot de
fer. Beaucoup préfèrent égoïstement fermer les yeux ; d’autres se sentent
impuissants, animés par une farouche envie de délier tous ces pieds et ces
poings. « Il nous faudrait des hommes politiques courageux, » a confirmé
Nicolas Vanier. «Il n’y a en a pas, ou ils ne le sont plus. Jadis, nous avons eu
De Gaulle, Churchill. Nous sommes aujourd’hui face à un lobbying, je ne citerai
pas de nom même si je le pourrai. Nous avons des députés, des sénateurs, des
décideurs politiques qui chassent tous ou en partie en Sologne. Une loi
permettrait de faire cesser cet engrillagement mais nous nous heurtons à cette
problématique. Pour ajouter une fenêtre à votre maison, vous devez déposer un
permis de construire. Quand par contre un propriétaire achète 1.000 hectares en
Sologne, il peut dans la seconde interdire l’accès à son voisin, entraver la
libre circulation des animaux. C’est aberrant, c’est un scandale !»
Tournant les talons pour retourner sur le plateau sis en pleine nature chambordienne
luxuriante, Nicolas Vanier pointe encore du doigt ce que nous sommes nombreux et
nombreuses à penser. Par exemple, ces lâchers à foison de perdreaux, faisans et
canards d’élevage qui périssent au premier carrefour ou sont dévorés par un
renard lorsqu’ils ne tombent pas sous les balles tirées par une chasse devenue
superficielle et se rapprochant davantage du « ball-trap » qu’autre chose.
« Je n’ai rien contre la chasse, » a précisé le réalisateur. «Mais
pas dans ces conditions qui n’ont plus rien à voir avec les vrais chasseurs et vrais
pêcheurs, avec les vrais amoureux de la nature, avec ce que je donne à voir
dans mon film.» Et François Berléand dans son habit rouge, non pas de père Noël
mais bien de chasseur, il en pense quoi de tout ça ? Lorsque nous avions
assisté à une session de tournage à Neung-sur-Beuvron le 19 octobre, le
comédien s’était montré fort sympathique. À
Chambord, le 25 octobre, accompagné de son épouse et de ses deux filles,
des jumelles aux boucles d’or qui rentraient d’une balade au château de
Chambord, le bonhomme s’est à nouveau prêté volontiers au jeu des
questions-réponses avec la presse, pendant qu’Éric Elmosnino est resté fidèle à
lui-même, blagueur en coulisses, également plus fuyant, préférant crapoter dans
son coin. « Je ne sais pas monter à cheval, je suis déjà tombé et là,
c’était imprévu. J’étais un peu énervé tout à l’heure, ça va mieux maintenant, »
a réagi l’artiste avec un grand sourire. « Oui, ce film parle de la chasse
mais c’est plus que ça. Le fil conducteur, c’est la nature et l’éveil d’un
enfant. » Et donc ? « Je suis parisien. J’ai vécu à droite, à
gauche, en France et à l’étranger. » Il s’interrompt, puis répète
différemment. « Je suis un citadin. Il ne faut pas me demander de
distinguer ici, là, les essences. Je fais la différence entre un chêne et un
saule pleureur. Un marronnier, sinon. Mais après… » L’« école
buissonnière » sortira dans les salles obscures le 11 octobre 2017.
Émilie RENCIEN
http://www.le-petit-blaisois.fr/
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