Certains sèment des cailloux, d’autres dessinent des moutons. L’artiste
japonais collecte des échantillons de terre dans le monde entier, et les expose
en ce moment dans le château de François Ier.
Kôichi Kurita devant son oeuvre aux couleurs terrestres insoupçonnées.
© Émilie RENCIEN
© Émilie RENCIEN
L’an passé, on se souvient du
coréen Bae Bien-U qui nous invitait avec ses photographies plus vraies que
nature à pénétrer dans la forêt chambourdienne pendant 4
saisons. Cette année, c’est un habitant du Japon qui nous fait lui aussi
voyager à sa façon. Dans la chapelle du château de Chambord, de petits
carrés de couleurs recouvrent le carrelage. Ainsi disposés, ils font penser
à une palette de maquillage géante. Il
s’agit pourtant de terres sur lesquelles nous marchons tout au long de notre vie. Kôichi Kurita arpente depuis plus
de 20 ans son pays natal, le Japon, pour prélever des poignées de sols et il
possède aujourd’hui plus de 40.000 échantillons dont l’un d’eux, en provenance
de Fukushima avant le séisme, avant le tsunami et le drame nucléaire, a été
exposé dans le bureau de la ministre de l’environnement Ségolène Royal en 2015
à Paris, pendant la COP 21. Il s’est en sus adonné à l’exercice en France, en
région Centre-Val de Loire notamment. Dans les flacons disposés à l’entrée de
la chapelle du château de Chambord, le résultat de sa collecte s’affiche là
encore en couleurs. Les terres pulvérulentes de Blois, Mer, Contres, cohabitent à côté de celles d’autres communes
du Cher, de l’Indre, de l’Indre-et-Loire, de l’Eure-et-Loir, etc. Et qu’il
s’agisse du tableau rectangulaire géant pas comme les autres aux 1.000 carrés
ou des 200 fioles faisant songer à une déclinaison de teintes de fond de teint,
les couleurs sont surprenantes, incroyables, perturbantes. « Amazing »,
dirait-on outre-Atlantique. Visuellement, cette nature est vraiment saisissante,
dévoilant des secrets colorés. Tout est évidemment réalisé sans trucage ni ajout
de colorants d’aucune sorte.
Une collection impressionnante. © Émilie RENCIEN
Spiritualité et émotions mêlées
Comment deviner que c’est cette
même terre que nous foulons sous nos pieds ? Kôichi Kurita propose une exposition
déroutante à travers cette bibliothèque terrestre et ces miniatures de
géographie. Dans chaque endroit où il s’est arrêté, il faut savoir que l’artiste
s’est limité à emporter une seule poignée de terre, pas plus. Toutes les
impuretés et traces d’animaux ont été ôtés à la pince à épiler, avant quelques
gouttes d’eau versées sur quelques grammes de terres laissées à sécher. C’est à
cet instant que les coloris naturels se dévoilent sous un œil humain médusé.
Des bruns et des marrons bien sûr, mais également du blanc, gris, bleu, vert, violet,
jaune, orange, rouge, rose… Les nuances sont infinies, un vrai arc-en-ciel
minéral ! Son travail, qui revêt un côté à la fois esthétique et spirituel, ne
vise aucune démonstration environnementale et écologique, bien qu’il raconte
d’une certaine manière l’innocence de la terre et l’humanité du crime. «Les
enfants n’ont généralement pas droit de jouer avec la terre car nous
considérons que c’est sale, » a expliqué en anglais Kôichi Kurita dont le
geste est moins ordinaire qu’il n’y paraît. « Moi, je trouve ça beau.»
Nous confirmons : la beauté de cette exposition, à ne pas manquer, laisse
sans voix et les mots manquent pour décrire la magnificence insoupçonnée du
sol. Tout comme la sérénité qui envahit le visiteur à la vue de ce matériau
terrestre si singulier, si commun, et en même temps, si précieux.
Émilie RENCIEN
Exposition « Terre Loire » jusqu’au 12 février 2017. 02.54.50.40.00
et www.chambord.org
Publié sur http://www.le-petit-blaisois.fr/
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