Le ministre des affaires étrangères et du développement international
avait promis de revenir. Son déplacement
loir-et-chérien, annulé mardi 26 juillet suite à l’attentat du père Jacques Hamel
à Saint-Étienne-du-Rouvray, a finalement au lieu mardi 23 août. Au programme de
cette visite, deux châteaux de la Loire et un discours engageant.
Jean-Marc Ayrault le 23 août au Château de Chambord avec Jean d'Haussonville et Guillaume Garot, respectivement directeur et président du Domaine national. photo © Émilie
RENCIEN
Une motte de terre dans les mains, Jean-Marc Ayrault a joué les touristes dans les jardins de
Chaumont-sur-Loire avec la directrice des lieux, Chantal Colleu-Dumond,
et le président du Conseil Départemental, Maurice Leroy...
photo© Émilie
RENCIEN
« Confiance, résilience, sans
résignation ». Ces trois mots résument le plan de bataille de Jean-Marc
Ayrault, l’ancien Premier ministre jugé pourtant peu combatif par le Président François
Hollande dans ses « conservations privées » (*), pour sauver le
tourisme en péril. Le Nantais, appréciant visiblement les tryptiques, a ajouté
qu’il fallait « rassurer, expliquer, communiquer. ». Le chef de
la diplomatie française a par conséquent égrainé mardi 23 août les chiffres
sous une chaleur caniculaire, calé derrière un pupitre installé près d’un
arbuste et de rosiers dans le Domaine régional de Chaumont-sur-Loire : 2
millions d’emplois (directs et indirects) issu du secteur touristique, soit
près de 8% de la richesse nationale ; + 6,5% de fréquentation pour les
festivals d’Avignon et + 32% pour les Francofolies de la Rochelle ; + 2%
pour les parcs d’attraction ; +8% pour l’hébergement de plein air ... « Nous
devons communiquer. Il faut une communication positive, » a répété Jean-Marc
Ayrault à plusieurs reprises, en annonçant la réunion d’un comité d’urgence en
septembre, la tenue d’une deuxième conférence annuelle du tourisme à l’automne
précédée par un comité interministériel, et l’organisation d’assises du
tourisme. « Je crois à fond au dialogue avec les professionnels du
tourisme ! » Pourtant, trop de communication tue… Frédéric Valletoux,
président du Comité régional du tourisme d’Ile-de-France, a confié à nos
confrères de Libération que « l’heure n’est plus aux campagnes de
communication », demandant plutôt la mise en place d’un plan Orsec pour
épauler une activité touristique francilienne qui accuse une baisse sans
précédent depuis 2010 et qu’il qualifie de « catastrophe
industrielle », avec une perte estimée à 749,7 M€ de chiffre d’affaires
depuis janvier 2016 pour cette région. Si 85 millions de touristes ont été
comptabilisés sur l’année 2015, cette saison 2016 s’annonce en effet moins prometteuse
avec un ciel chargé de nuages qui se sont accumulés au-dessus de
l’Hexagone : 50 jours de pluie supplémentaires au deuxième trimestre, seulement
deux jours fériés hors weekend (contre 5 l’an passé), attentats et grèves… « Il y a eu une
combinaison de plusieurs facteurs, » a confirmé le ministre Ayrault. «La
menace sécuritaire a eu une influence sur une clientèle aisée et sur l’Asie,
tout comme d’autres causes internes et des situations économiques ont agi pour
la Russie et Brésil. Le maximum est fait pour l’obtention de visas ; nous
voyons déjà des effets pour l’Inde, le Mexique, les États-Unis. Quant au
Brexit, non, le public britannique n’a pas boudé la France. Nous avons à
reconquérir par contre le marché allemand. La France reste toutefois la
première destination touristique au monde. »
À
Chambord, voyage dans le temps avec la tablette Histopad, réunion dans
la salle des trophées des chasses sans oublier une petit verre de
Cheverny pour le ministre...
photos © Émilie RENCIEN
La règle des « trois »
« Persévérance, cohésion,
mobilisation. » Jean-Marc Ayrault n’a cessé pendant son déplacement du 23
août de montrer sa foi dans le retour de lendemains qui chantent. Un, deux,
trois …Partez. Mais la France est-elle
prête ? « Le tourisme est une filière industrielle d’avenir, » a
insisté le membre du Gouvernement Hollande, après avoir visité une cave à
Montlouis-sur-Loire, s’être baladé dans les jardins du Festival de Chaumont et
avant d’inaugurer la halle d’accueil du château de Chambord. « Il faut
être ambitieux ; faire des efforts notamment sur les prix ; proposer
une offre plus riche, plus accessible et plus lisible. En France, on
s’auto-dénigre souvent mais quand on voyage à l’étranger comme moi, plus on
s’éloigne, plus on va vers l’essentiel et plus on voit que beaucoup nous
envient. Soyons-en conscients sans vivre sur nos acquis. N’occultons pas les
problèmes, regardons la réalité en face. Nos atouts doivent nous encourager,
nous devons défendre notre art de vivre et un pays qui veut continuer à
vivre. C’est un enjeu économique, social, culturel. Politique aussi. Je
parle avec franchise face aux nombreux défis à relever et c’est un message de
confiance que j’adresse aux professionnels du tourisme et également à la
population.» Cette missive verbale suffira-t-elle à rassurer les uns et les
autres ? Si la région Centre-Val de Loire tire en 2016 son épingle du jeu
(400.000 visiteurs pour le Domaine régional de Chaumont ; 1,5 million de visiteurs
sur l’ensemble du site du Domaine national de Chambord et un peu moins de 800.000
pour le Château ; + 7% de fréquentation au Château de Valençay, etc. Avec 50.000
emplois non délocalisables enregistrés et « des acteurs engagés,
innovants, qui ont confiance » selon le ministre), ce n’est pas le cas
pour tout le monde comme en atteste encore une fois, la fragilité de la
destination Paris. Une diminution de 10% des réservations a été constatée, même
pendant l’Euro de football. Un plan de relance
de la destination France a d’ailleurs été décidé par l’État, doté de 500.000 €
supplémentaires particulièrement en direction de l’Ile-de-France et de la Côte
d’Azur. En attendant des jours meilleurs, la grogne du contribuable était,
elle, palpable mardi 23 août au passage d’une dizaine de camions de CRS, plus des
berlines, mobilisés pour un déplacement ministériel. Et ce dernier
s’interrogeant : le changement, c’est pour quand ?
Émilie RENCIEN
(*) Le fameux livre signé par les
journalistes Antonin André et Karim Rissouli,
1,2, 3... Et bien plus de ministres reçus en 2016 dans le Loir-et-Cher et le Centre-Val de Loire. photo © Émilie RENCIEN
Année exceptionnelle
À tous les
niveaux, 2016 fut peu ordinaire et "à part", comme l'a indiqué Jean-Marc Ayrault. Inondations, attentats, conflits sociaux, vols
annulés…Et un constat : des ministres en pagaille reçus dans le département
du Loir-et-Cher. Déjà six au compteur : Manuel Valls, Audrey Azoulay,
Ségolène Royal, Bernard Cazeneuve, Patrick Kanner, Jean-Marc Ayrault. Plus un
Président (de la République), François Hollande à Romorantin en juin (qui sera à Orléans pour la rentrée scolaire jeudi 1er septembre, et
peut-être à la mi-septembre à Châteauroux au Congrès de la protection civile). Et le
défilé n’est pas fini, bientôt sept : le ministre Stéphane Le Foll sera
les 1e et 2 septembre à Chambord pour discuter PAC avec ses
homologues européens. Le Château sera ainsi totalement fermé au public pendant
ces deux jours, mettant une partie du personnel du Domaine national en congés
forcés. Et puis, en attendant 2017, c’est un autre ballet politique qui va
commencer, pour les primaires, cette fois,… dès le 8 septembre avec un meeting de Nicolas Sarkozy annoncé à 18h
au Minotaure de Vendôme.
É.R.
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