Le cornichon français revient en force. © Émilie RENCIEN |
Manger local et français. C’est la grande tendance du moment. C'est aussi une demande forte du consommateur qui cherche à garnir davantage sa
liste de courses de produits du terroir. Y compris quand il s’agit d’organiser
un apéro. Les français adorent agrémenter leurs cochonnailles de cornichons
(22.000 tonnes ingurgitées par an et 65 millions de bocaux vendus en grandes et
moyennes surfaces également annuellement). Ils en jettent aussi leurs salades
et leurs plats. Seulement, voilà, il y a
un os dans l’assiette : cet article de grande consommation nageant dans du
vinaigre et de l’estragon, serré dans des conserves vendues sur les rayonnages
des épiceries et des supermarchés, est indien. Le dernier fabricant de
cornichons MDD (marques de distributeurs) dans l’Hexagone n'est autre que le groupe Reitzel,
dont le siège est basé en Suisse et qui possède deux usines en France; la
première est sise dans la Sarthe, à Connerré; la seconde
est implantée dans le Loir-et-Cher, à Bourré. Cette entreprise, spécialiste des condiments et des sauces à salades, saisit le
problème au bond : une filière de production de cornichon français vient d’être relancée,
en partenariat avec la Chambre d’agriculture de Loir-et-Cher. «Le cornichon est
né au pied du Mont–Everest, est cultivé depuis 3.000 ans dans les plaines
himalayennes, » explique Emmanuel Bois, directeur général France de
Reitzel. «Nous avons d’ailleurs une usine en Inde depuis 2003 et nous y avons
créé toute une filière avec des équipes sur place et une traçabilité de la graine
au bocal. »
Dans le Loir-et-Cher, le fruit vert apparaît à nouveau dans les champs. © Émilie RENCIEN |
Bien pour l’économie locale…
Le cornichon indien est très bon,
ce n’est pas le souci en fait. Encore une fois, le consommateur devient de plus
en plus chauvin. Une parcelle de 2,5 hectares de ce fruit (selon les
botanistes, tous les légumes issus d’une fleur sont des fruits) de la
famille des cucurbitacées est donc sortie de terre dans la Sarthe, à Conneré, à
proximité de l’usine Reitzel précitée. Avec cette nouvelle, les souvenirs refont
surface dans les esprits tout comme les cornichons dans les champs. « J’allais
les cueillir lorsque j’étais plus jeune… » Éric
Grouard, agriculteur sur la route de Chambord à Maslives (légumes et céréales),
se remémore également. «Je cultivais des cornichons avec mon père il y a vingt
ans. » L’exploitant agricole loir-et-chérien a décidé de sauter le pas à
nouveau à l’instar de son collègue sarthois. À Maslives, les plantes rampantes
aux fleurs jaunes caractéristiques se répartissent sur 1,60 ha. «J’ai deux
variétés. La première cueillette a eu lieu le 15 juillet ; la récolte se
terminera à la fin du mois d’août, » précise-t-il. «Neuf personnes sont
dédiées à ce travail manuel et j’ai investi dans un système de goutte-à-goutte. »
… et le moral ?
Si le projet est beau sur le
papier, reste à voir dans le temps s’il sera vraiment rentable, le coût du
ramassage et de la main d’œuvre en France étant un obstacle indéniable, ça va
sans dire. Le groupe Reitzel y croit en tout cas. «Le coût est multiplié par
six entre un cornichon indien et un cornichon français, » confirme et
reconnaît Emmanuel Bois, puis rassure. « Le prix d’achat d’un bocal sera
pourtant accessible pour le consommateur. Pour cela, nous allons réduire nos
marges d’un tiers et nous voulons établir une relation tripartite entre
l’industrie, l’agriculture de proximité et la grande
distribution. Certaines grandes surfaces jouent déjà le jeu et d’autres
devraient suivre.» À Maslives, Éric Grouard s’est engagé à fournir 20
tonnes à Reitzel ; il est question de 40 tonnes côté Sarthe. « Nous souhaitons vraiment relancer cette filière
hexagonale et nous espérons que d’autres producteurs vont se joindre à nous
pour cette expérience, » insiste le directeur
général de Reitzel. «Nous visons cette année 0,3 % du marché français avec
deux références (deux calibres plus exactement, le mini cornichon notamment qui
fait actuellement un tabac à l’apéritif,
ndrl). Notre objectif d’ici dix ans est de multiplier ce pourcentage par
dix. » Il faudra donc bien lire les étiquettes si vous voulez être sûr de croquer
un cornichon français. De toute façon, peu importe le pays d’origine : manger
ce condiment vert serait bon pour le moral car il contient de la sérotonine,
l’hormone du bien-être. C’est le professeur Michel Lejoyeux qui l’affirme,
alors si ça, ce n’est pas un signe. Et c’est aussi moins calorique qu’une
tablette de chocolat. Sans doute pas si cornichon que ça !
Émilie RENCIEN
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