jeudi 9 juin 2016

Intempéries : François Hollande au chevet de la capitale de la Sologne, sans se mouiller

Samedi 4 juin, le Président de la République n’est pas venu à Romorantin en bateau mais en hélico. Sans bottes mais avec une cravate pour voir de ses propres yeux l’étendue de la catastrophe et surtout parler de gros sous avec les élus. 


François Hollande en Sologne, ce n'était pas prévu mais il est venu... © Émilie RENCIEN

Un samedi de juin comme les autres à première vue. Une mariée à la robe vaporeuse sur le perron de l’hôtel de ville de Romorantin. Pourtant, il ne fut pas ordinaire, ce 4 juin 2016. D’abord, parce qu’une partie de la ville a été engloutie les jours précédant suite à la crue de la Sauldre : 500 évacués dont 300 relogés chez l’habitant en attendant le jour d’après, des rues noyées sous des eaux brunes, des habitants et des commerçants qui ont perdu leur vie en moins de trois heures. Un samedi pas banal également car une venue confidentielle était fortement pressentie sur place. Ce jour-là, vers 13h, un tweet d’une Romorantinaise nous a mis la puce à l’oreille : « il faut tout nettoyer au plus vite, le quartier est bouclé, visite d’officiels ? » Un coup de fil bienvenu puis une vérification, et l’invité surprise de haute volée et de dernière minute (*) semble bien se confirmer. C’est tout à fait le style François Hollande ; il était déjà venu à Chambord en décembre 2014 sans prévenir. La presse doit désormais lui courir après comme dans un jeu de piste ; normal, c’est ça le changement… Bref, cette fois-ci, c’est gagné. Un ballet de voitures d’élus sur le parvis de la mairie, des embouteillages, des forces de l’ordre en nombre et des badauds qui attendent, smartphone en main. Suivez le guide… Les mariés ont dû se demander qui étaient toutes ces personnes venues assister à l’expression de leur bonheur, ils se souviendront de leur union !



François Hollande à son arrivée. Et une prière en arrière-plan...
© Émilie RENCIEN


Un maire devenu heureux …

La joie n’était, elle, pas présente dans le cœur du sénateur maire de Romorantin, Jeanny Lorgeoux. Le visage fermé et les traits tirés, l’édile dépité mais combatif face à l’adversité a dressé à 15h30 un inventaire rapide et désastreux. «Le plus difficile, ce sera lors de la décrue, il faudra un accompagnement psychologique pour les gens concernés. C’est un vrai sinistre pour nous qui va mobiliser plusieurs millions d’euros. Les deux musées (de Sologne et automobile Matra, ndrl) sont morts, la Majo est HS. La MJC ? Je vais sans doute devoir tout refaire. Ça va me coûter un bras. Je vais créer deux fonds d’urgence en tant que président de la Communauté de communes, l’un pour les habitants peut-être avec le CCAS, l’autre pour les PME, les entreprises, commerçants et artisans. Comment je vais les doter? Je ne sais pas  encore…Le budget de la ville est largement enterré, immergé… Floating budget ! » Un peu après 16 heures, à l’arrivée de François Hollande à la mairie de Romorantin, tous gyrophares dehors, Jeanny Lorgeoux s’est placé un moment derrière le Président qui a salué un autre président et un autre François, celui de la région Centre Val-de-Loire, François Bonneau. Saisi par l’objectif, le sénateur maire avait les mains jointes. Une petite prière pour débloquer le tiroir-caisse national ?  Quoiqu’il en soit, après 17h, l’élu était plus détendu. « Je suis un maire très heureux, » a-t-il confié avant de s’engouffrer dans une berline avec la sénatrice Jacqueline Gourault. « Le Président de la République est venu voir, se rendre compte. Il a démontré sa solidarité, son humanité. Et puis, il a annoncé que Romorantin serait sur la liste et bénéficiera du fonds exceptionnel de soutien annoncé par le Premier ministre Manuel Valls. » 



Des mains serrées et des sinistrés rencontrés.
© Émilie RENCIEN

… et une population abasourdie

Les sourires n’étaient pas revenus ailleurs, en dépit des poignées de main douces et chaleureuses d’un François Hollande très emphatique, à la mine très bronzée et de très bonne humeur, l’air moins soucieux qu’en septembre 2015 au zoo de Beauval (« ça va mieux », alors ça s’explique, et aussi à la campagne, l’intéressé était en campagne pour 2017, ne l’oublions pas, dans une commune de gauche qui plus est). Il faut dire que le Président de la République n’avait pas samedi 4 juin de l’eau jusqu’à la taille et a pu se déplacer dans les rues sinistrées à pied sans avoir besoin de monter dans une embarcation  ni troquer ses jolies chaussures noires pour les nouvelles godasses à la mode, des bottes de pluie. L’eau a commencé à être pompée ce même samedi à 13h juste avant sa venue … Une nette différence avec la veille, vendredi 3 juin : le niveau était encore impressionnant dans le quartier du Bourgeau et près de la gare avec pompiers, militaires et sécurité civile de Nogent-le-Rotrou à proximité. Plus on se rapprochait de la zone, plus la sensation d’humidité se faisait sentir. Impossible de rester insensible face au triste spectacle de voies publiques devenues torrents, avec parfois des poissons nageant ici et là. Il y a ceux qui tentent de garder le sourire (« ce n’est que matériel, nous sommes en vie ») et les autres qui n’hésitent pas à ouvrir à la presse leurs logements pour montrer l’objet de leur détresse en avouant  pleurer depuis des jours. Ceux encore qui sont venus récupérer leur chat, d’autres une convocation au baccalauréat. Marie-Christine et son mari, par exemple, n’avaient jamais vu ça depuis qu’ils ont posé leurs valises à Romorantin il y a 23 ans. Pour cause, la dernière grande crue millénaire date de 1910. « Notre parquet est  foutu et le reste… » Plus loin, Didier et Iria, qui ont emménagé en 2011, criaient le 3 juin leur douleur indicible : « regardez, ma voiture, ma maison … Nous nous sentons abandonnés. Qui va nous rembourser ? Personne ! » Frédéric et Myriam, eux, avaient vérifié il y a quatre ans. «Nous pensions qu’il n’y avait pas de souci à se faire. Et finalement… L’immobilier va souffrir à Romorantin après ça, les gens ne voudront plus s’y installer. Oui, ça a été très vite. L’un de nos chiens nous a réveillés vers 4h du matin et nous avons vu l’eau dans notre cave. C’est monté jusqu’à 1,60 m ! Nous estimons nos dégâts à au moins 35.000 € ; tout flotte, la machine à laver, le sèche-linge… Nous savons que le chemin va être long après un tel épisode.» 



Le quartier du Bourgeau, ici près de la gare, à Romorantin. Avant-après...
photos © Émilie RENCIEN

« Vous n’êtes pas seuls… »  La voile présidentielle en poupe

Le lendemain, samedi 4 juin, nous avons retrouvé  ce dernier couple qui a posé LA question à François Hollande. «À quelle hauteur allons-nous être indemnisés ? » Dans une période économique fort compliquée, il est légitime de se demander qui va pouvoir régler et assumer la facture plus que salée (plus d’un milliard d’euros de dégâts évalués pour la France entière) et surtout comment, les poches étant trouées un peu partout. L’argent ne pousse pas sur les arbres, ne sort pas non plus des rivières et la boucle du gilet de sauvetage va sans aucun devoir être serrée d’un cran supplémentaire. Les assureurs, les départements, les régions et l’État vont être obligés se jeter à l’eau. Le Président de la République l’a admis. «Cette crue est d’une exceptionnelle gravité. On ne peut dire que c’est historique (il avait toutefois dit le contraire une heure avant !), ça n’avait jamais été recensé.  L’état de catastrophe naturelle va être reconnu au Conseil Des Ministres ce mercredi, la liste des communes concernées va être établie pour l’ensemble du Loir-et-Cher. La commune de Romorantin sera bien sûr parmi les premières à être ainsi distinguées et à avoir des indemnisations. Mais il y a d’autres départements du Centre, etc. Tout n’est pas terminé. » Il y a en outre les calamités agricoles. Après le gel et des chutes de prix des productions, certains exploitants ont en effet dû accuser un nouveau coup dur. L’économie et le tourisme ne sont pas oubliés. « Il faut des procédures exceptionnelles d’intervention pour que les commerçants et les artisans puissent avoir une indemnisation pendant la période où ils ne pourront pas être en activité et les remettre le plus rapidement possible en situation de reprendre la vie économique. Et nous ne sommes pas loin de Chambord, c’est un site exceptionnel, la ministre de la culture s’y déplacera dans quelques jours. Nous sommes à quelques jours de la pleine activité touristique et de l’Euro 2016 ; il faut qu’il y ait autant que possible l’accueil qui est attendu dans cette région Centre qui vit de cette présence touristique.» Le chef de l’État a ensuite conseillé et tenté de rassurer les commerçants romorantinais. « Ne tardez pas à vous déclarer. Il faut saisir cette opportunité pour les travaux qu’il y aura à effectuer. Préparez bien les dossiers, prenez des photos, ayez des preuves  de ce qu’était le magasin avant, pour éviter les difficultés et les contentieux. Tenez bon. On s’interroge sur ce qu’est le service public, vous l’avez devant vous, gendarmes, pompiers, personnels mobilisés de la commune, de l’intercommunalité et du Conseil Départemental,  tous ces visages qui en ont secouru d’autres (…) Si je suis venu ici, c’est pour apporter un message de solidarité et de confiance, pour dire à nos concitoyens ne sont pas seuls. Le Président de la République est avec eux. Il faut que la vie continue.»  Facile à dire, diront les mauvaises langues. Pas sûr en effet que cela suffise pour réchauffer les âmes et combler les pertes matérielles qui symbolisent souvent toute une vie et autant de souvenirs d’une valeur inestimable. En tout cas, si la courbe du chômage n’est toujours pas inversée, à Romorantin, samedi 4 juin, après des selfies et des mains serrées, la cote de popularité présidentielle paraissait s’élever à mesure que l’eau s’abaissait. Le vent, ou plutôt, au regard des dramatiques circonstances, la voile en poupe. « Il est sympa en fait, Hollande », entendait-on parmi la foule amassée derrière des barrières. Il l’est, ce n’est pas le problème en fait... Après 17 heures, avant le départ de la voiture du préfet de Loir-et-Cher, Yves le Breton, qui a transporté François Hollande jusqu’à la base aérienne de Pruniers-en-Sologne où il s’est à nouveau échappé par les airs, quelques gouttes de pluie se sont mises à tomber.

Émilie RENCIEN

(*) La veille, le 3 juin, sans s’annoncer au préalable non plus, le Président français s’est rendu de nuit au musée du Louvre à Paris. D’autres visites impromptues à l’agenda ? François Hollande a répondu le 4 juin : « pour le moment, je vais marcher dans Romorantin.» Donc oui, probablement …

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire