Alors que la COP21 a
réuni pléthore de chefs d’États du monde entier, à Paris du 30 novembre au 11
décembre, au chevet de la planète et du climat, un tournage sur la diplomatie
culinaire a eu lieu au Château de Talleyrand vendredi 4 décembre.
Le chef Bernard Vaussion et Stéphane Lopez à Valençay Une assiette que la rédaction n'a pas manqué de goûter... © Émilie RENCIEN |
"Un dîner pour sauver le monde". C’est le titre,
volontairement provocateur, d’un film-documentaire de 52 minutes, soutenu par
l’ONU et actuellement en cours de réalisation par la société Magnificat Films.
Une partie de cette œuvre audiovisuelle a été tournée au Château de Valençay
vendredi 4 décembre et à cette occasion, un repas citoyen a été organisé à 19h
sur place. Autour de la table, une centaine de participants, pour la plupart
des habitants de la commune indrienne. « J’ai cuisiné tout
l’après-midi, » a confié ce soir-là Corinne, venue avec sa fille de 13
ans, Pamela. « Une galette à la citrouille, du riz cuit au court-bouillon
avec courgettes, aubergines et poireaux finement émincés, du pain perdu aussi
avec raisins de Corinthe et oranges. » Oui car le principe de ce dîner gratuit
et participatif filmé voulait que chaque convive apporte des victuailles à
partager avec son voisin (ou sa voisine) en suivant une règle bien précise, à
savoir un plat unique autour du riz, des légumes et des légumineuses ainsi
qu’un dessert de type pain perdu avec des fruits de saison. Cela n’a empêché de
trouver sur les tables des quiches, des œufs, bien sûr des lentilles du Berry, du
vin de Valençay évidemment, et oups, quelques crevettes… Peu importe. À la fin
de la soirée, tout le monde est reparti le sourire aux lèvres et le baume au
cœur. Pas de chair animale et de recettes carnées (ou presque…) au bout des
couverts et pourtant, des saveurs, des couleurs, du goût et du plaisir. « C’était
bien, très bien ! » ont confirmé Micheline et Monique. «L’absence de
viande ? Ça ne nous a pas posé souci. Et nous avons vécu un bon
moment de partage.»
Un menu végétarien le 4 décembre ! © Émilie RENCIEN |
Une projection annoncée
pour la COP 22
En bref, le dîner-documentaire à Valençay fut une jolie
parenthèse dans ce monde de brutes qui a prouvé que les choses les plus simples
sont finalement les meilleures. Une cerise sur le gâteau, vendredi 4
décembre : le grand chef français originaire d’Orléans, Bernard Vaussion,
qui a oeuvré quarante ans dans les cuisines du Palais de l’Élysée et a servi
pas moins de cinq présidents de la Ve République (Valéry Giscard d’Estaing,
François Mitterand, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande), était
derrière les fourneaux, épaulé dans sa tâche par le cuisinier et pâtissier de
Romorantin Stéphane Lopez (« La Malle Gourmande ») et le chef Éric
Souverain, à la tête de l’Auberge de la Tour à Châtillon-sur-Indre. En somme, trois
« Antonin Carême » (1) modernes pour une soirée berrichonne
d’exception ! Le menu ce soir-là était donc végétarien (ou quasi), insufflé par
le Club des Chefs des chefs et plus particulièrement Christian Garcia, président
du dit groupe et chef du Palais princier de Monaco, sorte de « G20 »
de la gastronomie. « Le riz et le pain sont adaptables à tous les
pays, » a souligné Bernard Vaussion. « De plus, faciles pour
concocter des recettes. » «Ce dîner convivial et porteur de sens à
Valençay est le premier d’une longue série, » a expliqué à son tour Jean-Pierre
Stéphan, co-réalisateur accompagné de Noël Balen et Amaury Voslion,
auteurs-réalisateurs. «Ce dîner est un symbole et un geste citoyen. En 2030-50,
nous serons neuf milliards d’êtres humains sur cette Terre. Alors, où
aller chercher une nourriture qui doit être bonne, saine et suffisante ?
L’idée d’un tel documentaire en 2015 est de susciter une prise de conscience
collective sur nos habitudes alimentaires. Il s’agit de dire à nos
politiques qu’avec le dérèglement climatique, ce que nous avons dans nos
assiettes aujourd’hui, nous ne l’aurons pas forcément demain. L’idée n’est pas
forcément de délaisser la viande mais d’en manger moins souvent ; il faut être
davantage locavore, consommer des produits frais, de proximité, de saison et
éviter de gaspiller.» Après Valençay, d’autres séquences vont été captées à
travers le monde entier, en Haïti, Thaïlande, Inde, à Tokyo, Monaco, etc.
Encore une fois, si le début du tournage s’est déroulé au moment où se tenait
la COP 21 à Paris, la diffusion, elle, devrait avoir lieu l’année prochaine
lors de la COP 22 à Marrakech (2). Soit une belle façon de boucler la boucle.
Émilie RENCIEN
(*) Le fameux pâtissier chef français, notamment connu pour ses pièces
montées et engagé par le Prince de Talleyrand à Valençay au XIXe siècle.
(2) Avant une exploitation sur les chaînes TV françaises et
étrangères ainsi que des projections annoncées dans des salles de l’ONU.
L’Amérique aime le fromage et
l’Allemagne la cuisine française
En parlant de bonne chère et de politique, à Valençay, vendredi 4 décembre, Bernard Vaussion a raconté qu’un petit incident diplomatique
avec Barack Obama aurait pu survenir
lors du 70e anniversaire du Débarquement à cause … d’un morceau de
fromage ! Cette partie du menu
avait été supprimée en raison d’un timing serré (François Hollande recevait en
effet Vladimir Poutine à l’Élysée ensuite). Dans le restaurant étoilé de Guy
Savoy, le Chiberta à Paris, ce mois de juin 2014, le président américain s’est
ainsi étonné de cette absence, un plateau est toutefois rapidement arrivé
pour satisfaire son appétit, plus de peur de que de mal donc. Quant à la
chancelière allemande Angela Merkel, « elle aime bien la cuisine française, »
a ajouté l’ancien chef des cuisines élyséennes. « Elle est toujours de
bonne humeur quand elle vient dîner ou déjeuner à Paris, ça facilite les
négociations ! »
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É.R.
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