L’animateur emblématique de l’histoire de la télévision s’est lancé un
défi cette année : monter sur les planches. Et il balance... Rencontre avec l'intéressé à Tours les 5 et 6 février.
Un débutant sur les planches, un divan rouge... © Émilie RENCIEN |
"Johnny (Hallyday) ne veut
personne dans sa loge. Il se regarde dans la glace comme s’il allait jouer sa
vie alors que c’est son trentième Zénith, puis il transforme son stress, son trac
en énergie et il a vingt ans ! C’est une peur positive. Mais avant, il a
la tête d’un gamin qui va jouer sa vie à "The Voice " et qui se
demande si (Florent) Pagny et Mika vont se retourner. Vous verrez aussi la tête
de Céline (Dion) alors qu’elle a tout prouvé mais elle se dit est-ce que je
vais tenir la note de "All by myself"? Ce sont des voix, on vient voir ça.
C’est pour ça que Nana Mouskouri et La Callas ont arrêté." Quand Michel
Drucker vous narre des anecdotes, les siennes, avec passion, intarissable, un
samedi matin ensoleillé de février à Tours, posé dans un fauteuil cosy près d'une fenêtre dans un hôtel quatre étoiles, il est difficile de ne pas
rester suspendu(e) à ses lèvres. C’est ce même livre ouvert que l’homme de télévision a sur ses
genoux chaque soir lorsqu’il est sur scène avec son one-man show
« seul…avec vous ». Tout le monde connaît Michel Drucker pour,
entre autres, « la valise RTL » à la radio et « Champs-Élysées »
sur le petit écran, et plus récemment, « Vivement Dimanche ». Mais, depuis
le début de l’année, chaque weekend, il revêt un costume supplémentaire, celui
d’un artiste débutant (néanmoins déjà célèbre). "À la TV, je suis assis
depuis des années. Je passe de trente ans de canapé si j’ose dire à une scène
où je suis debout et je marche ! L’autre fois, j’ai même dit que je ne sais pas
de quelle autonomie je dispose en position verticale !" s’amuse-t-il,
sa chienne Isia sagement couchée à ses pieds, en continuant. "À la tv, je
passe les plats, je renvoie la balle mais je suis un montreur d’ours. Je ne fais
pas le show contrairement à Laurent Ruquier, c’est 50% du carburant de son émission,
ou comme Jacques Martin, Thierry Ardisson. Je suis journaliste de formation, je
connais le monde du spectacle par coeur mais je ne me suis jamais mis de ce
côté-là. Avec ce spectacle, c’est la première fois que je suis tout seul, SEUL,
avec mon langage, ma mémoire." Comme l’explique Michel Drucker au tout
début du spectacle que la journaliste qui a rédigé ces lignes a eu le privilège
de voir au grand théâtre de Tours vendredi 5 février, c’est suite à un sondage
et ses cinquante de carrière qu’il a fêté en 2014 en même temps que l’ORTF où il est entré en
1964, qu’est née l’idée de ce projet. "J’ai vu la liste et je me suis dit, je
suis le dernier vivant. Dans ma génération, il ne reste plus personne… C’est un
devoir de mémoire parce que tout s’oublie. Et on a l’impression que quand on
fait une carrière très longue, c’est un long fleuve tranquille. Si vous saviez
par exemple la gamberge de Johnny, comment il s’inquiète !" Trois
hommes ont également été décisifs dans ce saut choisi dans l’inconnu. Michel
Drucker cite Laurent Ruquier, Fabrice Luchini et Jean-Claude Brialy (ce dernier a disparu en 2007, ndrl). Il relate encore. "Avec
Jean-Claude, nous étions voisins en Provence. Souvent, j’arrivais en vélo
en plein cagnard et il y avait une grande tablée avec tous ses copains, Charles
Aznavour, Jean Réno, Nana Mouskouri, Jean-Marc Thibault. Ils me disaient «Michel, raconte-nous
les coulisses » et à 16h30, ils étaient encore là à rigoler en m’écoutant."
... et des souvenirs ! © Émilie RENCIEN |
Une star du PAF sans fard
"Mes souvenirs sont les
vôtres." Sur scène, Michel Drucker dévoile donc ses souvenirs personnels
et professionnels, tantôt drôles, tantôt plus émouvants. Et son album
photo-vidéo est fourni : Alain Delon, Jacques Chirac aux faux-airs de John
Wayne, Jean-Paul Belmondo, François Hollande, Nicolas Sarkozy et Carla Bruni,
Whitney Houston et Serge Gainsbourg, Léon Zitrone et Thierry Roland, et bien
d’autres. Il devient starologue après avoir imité Valérie Giscard d’Estaing
(selon lui, imaginez qu’il vous reste de la purée dans la
bouche pour réussir une copie parfaite!) ou encore Johnny Hallyday qui aime manger des yaourts, avant de parler
de sa famille, notamment de sa mère et de son épouse, et de saluer le public
avec sa fidèle border collie Isia tenue en laisse. "Je voulais un peu comme les
spectacles italiens, un jour tu ris, un jour tu pleures. Je voulais un ton
différent et ne pas arriver avec « c’est l’histoire d’un mec ». Je
voulais raconter une histoire qui est mon histoire et qui est la vôtre et qui
est celle de trois générations ; appuyer sur la touche pause, vider le disque
dur et dire aux gens « voilà ». Ma difficulté aussi, ce fut de
trouver le moyen de résumer en 1h30 cinquante ans de TV.»" Une fois les lumières
allumées à nouveau dans la salle, nous trouvons que le challenge de Michel
Drucker est relevé. Le présentateur va toutefois devoir tenir le rythme de
cette tournée débutée à laquelle s’ajoutent 120 heures de télévision par an. "Je vais avoir 74 ans en septembre et me lancer dans le stand-up à mon
âge... Claude Lelouch dit toujours de moi que je suis un tardif qui a commencé tôt,
je fais tout à l’envers ! Si j’avais été un coureur cycliste, j’aurais été
un coureur du Tour de France, tous les jours l’effort. Je suis en train de
mesurer l’énergie que ça va me demander, je vais vous dire quelle est ma vie
maintenant. La semaine dernière (en janvier, ndrl), on a fait Rennes, vendredi,
samedi. Ensuite, je suis rentré à 3 h 30
du matin à Paris. Dimanche après-midi, j’ai bossé toute l’après-midi
avec une équipe de production TV et Laurent Ruquier pour l’émission des 25 ans
de Ruquier. Midi-minuit en enchaînant avec Rennes, en ayant peu dormi. Je me
suis couché à 2h du matin et j’avais eu à peine le temps de me remettre que
j’ai fait « Vivement Dimanche » spécial Kev Adams mardi et mercredi. Jeudi,
j’ai commencé à enfin faire surface qu’on me dit y a Tours et Issoudun ! Donc
je suis en train de prendre un rythme qui est assez surprenant. Pour faire ce
que je fais en ce moment sur scène, c’est un vrai métier que je découvre et que
j’apprends très vite, je suis obligé de l’apprendre très vite. Ça s’ajoute
à un métier très prenant que je fais depuis cinquante ans qui est un métier
extrêmement éprouvant, beaucoup plus qu’on l’imagine. Oui, passer à 4,5
millions de télespectateurs à des salles de 700 ou 800 personnes, c’est plus
dense, plus fort, que des millions de gens que vous ne voyez pas."
Michel Drucker et son border collie, à Tours © Émilie RENCIEN |
Un souvenir familial en Sologne
Après Rennes fin janvier et Tours
début février, Michel Drucker va poser ses valises dans différentes villes de
province (*), dont Romorantin samedi 19 mars. Il réagit en entendant ce nom. "Le Loir-et-Cher, donc Michel (Delpech, qui s’est éteint le 2 janvier, ndrl)
les marais, ses vacances, le chasseur, toutes ces chansons, il m’a raconté. J’ai
passé un an avec lui, toutes les semaines à l’hôpital… Il va y avoir un espace
Michel-Delpech à Blois ? Ah ! C’est bien, ça !" Durant cet
échange convivial qui aura duré plus d’une heure le 6 février avant midi,
Michel Drucker m’explique (rappelle) qu’il a été reporter sportif et qu’il connaît
ainsi la France comme personne. Il livrera alors à cet instant cette
confidence, les yeux dans les yeux, sa main gauche sur mon poignet droit : "je vais vous raconter une chose qui va vous sidérer, une histoire
extraordinaire… J’aurais pu habiter à Romorantin ! Mon père Abraham, jeune
roumain, non naturalisé (il le fut en 1937, ndrl), a effectué un remplacement à
Romorantin dans les années trente. Je n’étais pas né évidemment mais il me l’a
raconté quand j’étais petit, donc je vais être extrêmement ému quand je vais
venir à Romorantin, ça me parle. Mon père a remplacé… Vous devez connaître si
vous êtes de là-bas. Il a remplacé le Dr Breitman, le grand-père de Zabou
Breitman (Georges, médecin et champion de France de saut à la perche, ndrl) qui
était marié avec une grande chanteuse de l’époque qui s’appelait… vous
savez ? Colette Deréal. Ça, c’est presque « questions pour un
champion » ! (rires) Ensuite, mon père est allé au centre de
rééducation à Kerpape, à côté de Lorient ; c’est là où s’’est rééduqué le
monsieur qui a donné « Intouchables », Philippe Pozzo Di Borgo, c’est
(François) Cluzet dans le film. Donc Romorantin, le Loir-et-Cher, évidemment.
Je vais appeler Zabou pour voir ce qu’est devenue la maison de ses
grands-parents là où mon père a fait son premier remplacement… et je repartirai
avec des asperges !" Il continue et pose la question à trois ou quatre
reprises. "Quelle est cette comédienne de Romorantin, cette actrice très
très célèbre, des années 1950, dans un film important de Jean Marais, blonde ?
Regardez sur Wikipédia peut-être. Je n’aime pas avoir un trou de
mémoire. Le 19 mars, c’est bientôt. La salle de Romorantin est
grande ? Vous viendrez me voir ? (sourire) Et vous aurez retrouvé le nom
de l’actrice ?" Sur le moment, rien n’est venu ; maintenant, en y
repensant, ne s’agirait-il pas de Madeleine Sologne à La Ferté-Imbault plutôt, mon cher Michel ? J’apporterai
la dite réponse avec moi le 19 mars, le rendez-vous est
pris…
(*) Mise en scène de Steve
Suissa et décors de Stéphanie Jaffre. Des dates sont de plus prévues au théâtre
des Bouffes Parisiens, une promesse que Michel Drucker avait fait à Jean-Claude
Brialy avant sa disparition.
La star, c'est aussi Isia Drucker ! © Émilie RENCIEN |
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