vendredi 4 mars 2016

Michel Drucker, récit d'une vie médiatique sur scène


L’animateur emblématique de l’histoire de la télévision s’est lancé un défi cette année : monter sur les planches. Et il balance... Rencontre avec l'intéressé à Tours les 5 et 6 février.

 
Un débutant sur les planches, un divan rouge... © Émilie RENCIEN
                
 
"Johnny (Hallyday) ne veut personne dans sa loge. Il se regarde dans la glace comme s’il allait jouer sa vie alors que c’est son trentième Zénith, puis il transforme son stress, son trac en énergie et il a vingt ans ! C’est une peur positive. Mais avant, il a la tête d’un gamin qui va jouer sa vie à "The Voice " et qui se demande si (Florent) Pagny et Mika vont se retourner. Vous verrez aussi la tête de Céline (Dion) alors qu’elle a tout prouvé mais elle se dit est-ce que je vais tenir la  note de "All by myself"? Ce sont des voix, on vient voir ça. C’est pour ça que Nana Mouskouri et La Callas ont arrêté." Quand Michel Drucker vous narre des anecdotes, les siennes, avec passion, intarissable, un samedi matin ensoleillé de février à Tours, posé dans un fauteuil cosy près d'une fenêtre dans un hôtel quatre étoiles, il est difficile de ne pas rester suspendu(e) à ses lèvres. C’est ce même livre ouvert que l’homme de télévision a sur ses genoux chaque soir lorsqu’il est sur scène avec son one-man show « seul…avec vous ». Tout le monde connaît Michel Drucker pour, entre autres, « la valise RTL » à la radio et « Champs-Élysées » sur le petit écran, et plus récemment, « Vivement Dimanche ». Mais, depuis le début de l’année, chaque weekend, il revêt un costume supplémentaire, celui d’un artiste débutant (néanmoins déjà célèbre). "À la TV, je suis assis depuis des années. Je passe de trente ans de canapé si j’ose dire à une scène où je suis debout et je marche ! L’autre fois, j’ai même dit que je ne sais pas de quelle autonomie je dispose en position verticale !" s’amuse-t-il, sa chienne Isia sagement couchée à ses pieds, en continuant. "À la tv, je passe les plats, je renvoie la balle mais je suis un montreur d’ours. Je ne fais pas le show contrairement à Laurent Ruquier, c’est 50% du carburant de son émission, ou comme Jacques Martin, Thierry Ardisson. Je suis journaliste de formation, je connais le monde du spectacle par coeur mais je ne me suis jamais mis de ce côté-là. Avec ce spectacle, c’est la première fois que je suis tout seul, SEUL, avec mon langage, ma mémoire." Comme l’explique Michel Drucker au tout début du spectacle que la journaliste qui a rédigé ces lignes a eu le privilège de voir au grand théâtre de Tours vendredi 5 février, c’est suite à un sondage et ses cinquante de carrière qu’il a fêté en 2014  en même temps que l’ORTF où il est entré en 1964, qu’est née l’idée de ce projet. "J’ai vu la liste et je me suis dit, je suis le dernier vivant. Dans ma génération, il ne reste plus personne… C’est un devoir de mémoire parce que tout s’oublie. Et on a l’impression que quand on fait une carrière très longue, c’est un long fleuve tranquille. Si vous saviez par exemple la gamberge de Johnny, comment il s’inquiète !" Trois hommes ont également été décisifs dans ce saut choisi dans l’inconnu. Michel Drucker cite Laurent Ruquier, Fabrice Luchini et Jean-Claude Brialy (ce dernier a disparu en 2007, ndrl). Il relate encore. "Avec Jean-Claude, nous étions voisins en Provence. Souvent, j’arrivais en vélo en plein cagnard et il y avait une grande tablée avec tous ses copains, Charles Aznavour, Jean Réno, Nana Mouskouri, Jean-Marc Thibault. Ils me disaient «Michel, raconte-nous les coulisses » et à 16h30, ils étaient encore  là à rigoler en m’écoutant." 


... et des souvenirs ! © Émilie RENCIEN
 



Une star du PAF sans fard 

"Mes souvenirs sont les vôtres." Sur scène, Michel Drucker dévoile donc ses souvenirs personnels et professionnels, tantôt drôles, tantôt plus émouvants. Et son album photo-vidéo est fourni : Alain Delon, Jacques Chirac aux faux-airs de John Wayne, Jean-Paul Belmondo, François Hollande, Nicolas Sarkozy et Carla Bruni, Whitney Houston et Serge Gainsbourg, Léon Zitrone et Thierry Roland, et bien d’autres. Il devient starologue après avoir imité Valérie Giscard d’Estaing (selon lui, imaginez qu’il vous reste de la purée dans la bouche pour réussir une copie parfaite!) ou encore Johnny Hallyday qui aime manger des yaourts, avant de parler de sa famille, notamment de sa mère et de son épouse, et de saluer le public avec sa fidèle border collie Isia tenue en laisse. "Je voulais un peu comme les spectacles italiens, un jour tu ris, un jour tu pleures. Je voulais un ton différent et ne pas arriver avec « c’est l’histoire d’un mec ». Je voulais raconter une histoire qui est mon histoire et qui est la vôtre et qui est celle de trois générations ; appuyer sur la touche pause, vider le disque dur et dire aux gens « voilà ». Ma difficulté aussi, ce fut de trouver le moyen de résumer en 1h30 cinquante ans de TV.»" Une fois les lumières allumées à nouveau dans la salle, nous trouvons que le challenge de Michel Drucker est relevé. Le présentateur va toutefois devoir tenir le rythme de cette tournée débutée à laquelle s’ajoutent 120 heures de télévision par an. "Je vais avoir 74 ans en septembre et me lancer dans le stand-up à mon âge... Claude Lelouch dit toujours de moi que je suis un tardif qui a commencé tôt, je fais tout à l’envers ! Si j’avais été un coureur cycliste, j’aurais été un coureur du Tour de France, tous les jours l’effort. Je suis en train de mesurer l’énergie que ça va me demander, je vais vous dire quelle est ma vie maintenant. La semaine dernière (en janvier, ndrl), on a fait Rennes, vendredi, samedi. Ensuite, je suis rentré à 3 h 30  du matin à Paris. Dimanche après-midi, j’ai bossé toute l’après-midi avec une équipe de production TV et Laurent Ruquier pour l’émission des 25 ans de Ruquier. Midi-minuit en enchaînant avec Rennes, en ayant peu dormi. Je me suis couché à 2h du matin et j’avais eu à peine le temps de me remettre que j’ai fait « Vivement Dimanche » spécial Kev Adams mardi et mercredi. Jeudi, j’ai commencé à enfin faire surface qu’on me dit y a Tours et Issoudun ! Donc je suis en train de prendre un rythme qui est assez surprenant. Pour faire ce que je fais en ce moment sur scène, c’est un vrai métier que je découvre et que j’apprends très vite, je suis obligé de l’apprendre très vite. Ça s’ajoute à un métier très prenant que je fais depuis cinquante ans qui est un métier extrêmement éprouvant, beaucoup plus qu’on l’imagine. Oui, passer à 4,5 millions de télespectateurs à des salles de 700 ou 800 personnes, c’est plus dense, plus fort, que des millions de gens que vous ne voyez pas."

Michel Drucker et son border collie, à Tours © Émilie RENCIEN
 


Un souvenir familial en Sologne

Après Rennes fin janvier et Tours début février, Michel Drucker va poser ses valises dans différentes villes de province (*), dont Romorantin samedi 19 mars. Il réagit en entendant ce nom. "Le Loir-et-Cher, donc Michel (Delpech, qui s’est éteint le 2 janvier, ndrl) les marais, ses vacances, le chasseur, toutes ces chansons, il m’a raconté. J’ai passé un an avec lui, toutes les semaines à l’hôpital… Il va y avoir un espace Michel-Delpech à Blois ? Ah ! C’est bien, ça !" Durant cet échange convivial qui aura duré plus d’une heure le 6 février avant midi, Michel Drucker m’explique (rappelle) qu’il a été reporter sportif et qu’il connaît ainsi la France comme personne. Il livrera alors à cet instant cette confidence, les yeux dans les yeux, sa main gauche sur mon poignet droit : "je vais vous raconter une chose qui va vous sidérer, une histoire extraordinaire… J’aurais pu habiter à Romorantin ! Mon père Abraham, jeune roumain, non naturalisé (il le fut en 1937, ndrl), a effectué un remplacement à Romorantin dans les années trente. Je n’étais pas né évidemment mais il me l’a raconté quand j’étais petit, donc je vais être extrêmement ému quand je vais venir à Romorantin, ça me parle. Mon père a remplacé… Vous devez connaître si vous êtes de là-bas. Il a remplacé le Dr Breitman, le grand-père de Zabou Breitman (Georges, médecin et champion de France de saut à la perche, ndrl) qui était marié avec une grande chanteuse de l’époque qui s’appelait… vous savez ? Colette Deréal. Ça, c’est presque « questions pour un champion » ! (rires) Ensuite, mon père est allé au centre de rééducation à Kerpape, à côté de Lorient ; c’est là où s’’est rééduqué le monsieur qui a donné « Intouchables », Philippe Pozzo Di Borgo, c’est (François) Cluzet dans le film. Donc Romorantin, le Loir-et-Cher, évidemment. Je vais appeler Zabou pour voir ce qu’est devenue la maison de ses grands-parents là où mon père a fait son premier remplacement… et je repartirai avec des asperges !" Il continue et pose la question à trois ou quatre reprises. "Quelle est cette comédienne de Romorantin, cette actrice très très célèbre, des années 1950, dans un film important de Jean Marais, blonde ? Regardez sur Wikipédia peut-être. Je n’aime pas avoir un trou de mémoire. Le 19 mars, c’est bientôt. La salle de Romorantin est grande ? Vous viendrez me voir ? (sourire) Et vous aurez retrouvé le nom de l’actrice ?" Sur le moment, rien n’est venu ; maintenant, en y repensant, ne s’agirait-il pas de Madeleine Sologne à La Ferté-Imbault plutôt, mon cher Michel ? J’apporterai la dite réponse avec moi le 19 mars, le rendez-vous est pris…

Émilie RENCIEN

(*) Mise en scène de Steve Suissa et décors de Stéphanie Jaffre. Des dates sont de plus prévues au théâtre des Bouffes Parisiens, une promesse que Michel Drucker avait fait à Jean-Claude Brialy avant sa disparition.



La star, c'est aussi Isia Drucker ! © Émilie RENCIEN

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