Pour son assemblée générale annuelle, la laiterie de
Saint-Denis-de-l’Hôtel (45) avait choisi Romorantin (41) et invité Michel Welter,
chef d’exploitation de la controversée usine agricole de Picardie. Des
manifestants se sont joints à ce rendez-vous du 16 février.
«50 vaches, ça va ; 2.000
bêtes, cata ! Installons 1.000 paysans, pas 1.000 vaches. » Ce sont autant
de messages qui avaient été posés devant la Pyramide de Romorantin
mardi 16 février par la Confédération Paysanne du Centre. Alors que l’AG de la
laiterie du Loiret ne débutait pas avant les alentours de 10h-10h30, Michel
Welter, directeur d’exploitation des « 1.000 vaches » était déjà dans
la salle une heure avant, fuyant la presse et
pas du tout disposé à bavarder devant un café de la plus grande ferme de
France employant dix-huit salariés et sortie de terre dans la Somme, à
l’initiative non pas d’un enfant du sérail mais d’un entrepreneur nordiste qui
a fait fortune dans le BTP, Michel Ramery, la tête dans les chiffres plutôt que
les pieds dans la paille. Même face aux flashs des journalistes, Michel Welter
baissait ou tournait souvent la tête, à l’intérieur. Il faudra se contenter
d’une déclaration neutre d’Emmanuel Vassaneix, président de la laiterie de
Saint-Denis-de-l’Hôtel (LSDH). « Chaque année, nous réunissons nos
producteurs de lait et nous avons une thématique. Il y a deux ans par exemple,
il fut question de génétique. Cette fois, nous recevons Michel Welter pour
qu’il nous explique, nous voulons comprendre, nous ne sommes pas dans le
jugement. Il faut réfléchir sur l’évolution du monde agricole et les solutions.
Dans le Maine-et-Loire, par exemple, quatre ou cinq exploitations se sont
regroupées ; les agriculteurs ont des vacances et des weekends, gagnent
leur vie. Nous devons nous questionner sur la façon dont la France, dans
l’Europe, peut préparer sa politique laitière. Nous ne pouvons pas jouer
sur un même terrain avec un même ballon mais sans les mêmes règles.»
Dehors, des panneaux, des messages... Mais pas de vaches dans la manif' ! © Émilie RENCIEN |
Tous et toutes concernés par l’agro-business
À l’extérieur, sur les marches
devant la salle de spectacles, au son de meuglements de vaches enregistrés et diffusés par
une sono (eh non, pas d’animaux en chair et en os pour cette manif’), l’ambiance
n’était pas du tout la même avec une Confédération paysanne, elle, très loquace,
accusant et dénonçant sans langue de bois. «Nos fermes ne sont pas des usines,
les animaux ne sont pas des machines ! Nous sommes contre la ferme des 1.000
vaches, contre toute cette logique, car avec un tel système, on s’auto-détruit.
Plus les fermes sont grosses et moins les producteurs sont payés. Avec la
surproduction depuis la fin des quotas laitiers en Europe, les prix baissent.
Le volume nous condamne ! Sans parler du traitement des bêtes qui est
catastrophique et du non-respect de l’environnement,» déplorent Gilles
Guellier, porte-parole du syndicat d’agriculteurs pour le Loir-et-Cher et
Nicolas Calame, porte-parole pour l’Indre, en répétant puis proposant. «On ne
veut pas de ce modèle où il n’y pas de pilote dans l’avion. Nous souhaitons
revenir à une régularisation des marchés et voir la mise en place d’un système
de production plus autonome, lié au sol et moins dépendant des grands
commerçants. Si nous laissons faire le marché, sans régularisation, 10 % à
15% des producteurs vont disparaître.» Dans les rangs, chauds bonnets visés sur
la tête et gants aux mains pour affronter les températures frisquettes de cette
matinée-là, des consommateurs avaient également fait le déplacement. Car
finalement, cette histoire est l’affaire de tous. Chacun est en droit de
s’inquiéter d’un tel projet davantage motivé, on s’en doute, par l’appât du
gain que par le bien-être animal et la qualité du lait. « Pourquoi
l’information n’a pas été plus largement relayée ? » demande Josiane.
« En cette période de vacances scolaires, des parents et des enfants
seraient peut-être venus s’ils l’avaient su. » Plus loin, Fabrice, qui
enseigne l’histoire-géographie, écoutait attentivement le syndicat présent et
s’interrogeait aussi. «Pouvez-vous m’en dire plus sur ces fermes en Allemagne
encore plus gigantesques ? » Avant s’indigner. « Dans les livres,
nous avons en classe de seconde un chapitre qui s’appelle « nourrir les hommes » et j’explique
à mes élèves que manger est devenu un acte politique. Cette logique
d’industrialisation me paraît nocive. Bientôt, plus de vaches dans les prés et
qui regardent passer les trains ? »
É.RENCIEN
Dans la salle, avec Michel Welter. © Émilie RENCIEN |
Un élevage nouveau pas sans conséquences
Selon la Confédération Paysanne, l’industrialisation
a fait passer en région Centre le nombre
de fermes de 2.421 en 2000 à 948 en 2014, soit une diminution du nombre
d’éleveurs de 60 % en 14 ans. «Un projet destructeur d’emplois, une
précarisation du travail agricole, une logique d’accaparement de soutiens
publics, une fragilité sanitaire du troupeau avérée, un danger pour la marché
foncier français, un projet incompatible avec le défi climatique», ajoute le
tract qui a été distribué par le syndicat devant la Pyramide de Romorantin mardi 16 février.
É.R.
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