Samedi 14 février, alors que des couples se confiaient leur amour, les
yeux dans les yeux, devant un bon repas au restaurant, d’autres avaient préféré
un menu différent. Pas de déclaration enflammée à la lumière des chandelles mais de l'humour décapant à la Pyramide.
« Je passe la Saint Valentin
avec Thomas VDB (1) à ... Romorantin... »
À 18 heures et deux minutes, le 14 février, Mathieu Madénian postait un message
sur son compte Facebook, accompagné d’une photo dans le train où il affichait
un air endormi. Trois heures plus tard, les pieds sur le sol de Sologne, l’humoriste
avec son accent de Perpignan était bien réveillé. «Pour venir ici, on a dû
prendre deux trains, une calèche… » Pas de B.-A. pour l’artiste (2). « Vous
avez un métro dans votre ville ? Un quoi ? Un B.-A. ? C’est
normal pour vous de dire cela mais moi, je viens de France. C’est quoi ?
Ah, un petit train. Sinon, y a des trucs à visiter ?» Une fois passée
la parenthèse locale, Mathieu Madénian n’a pas manqué, Saint-Valentin oblige, d’interpeller
le public. « Combien d’années de mariage ? Pour le record, un voyage
en Irak à gagner ! Et toi, tu as quel âge ? Onze ans. Tu as une
copine ? Vous vous embrassez et tout ? Elle s’appelle
Carla ? Tu n’es pas le seul…» Il s’est ensuite confié. «La famille, les
amis, ça se contrôle. Pas l’amour. Je m’étais juré de ne plus tomber
amoureux. Car quand vient la séparation, je souffre et vu mon métier, je n’écris
plus, ne monte plus sur scène, je ne travaille plus, je ne mange plus et je
meurs. Puis j’ai rencontré Alice ! »
Le rire pour seule arme
Pendant deux heures, les boutades
s’enchaînent à un rythme effréné. Mathieu Madénian tacle, dégomme sans vergogne.
« C’est vrai, vous avez raison. On ne peut pas se moquer des gens paraplégiques
car on peut tous le devenir un jour avec un accident de voiture. Mais d’un nain
? » Il tire, sans armes mais avec verve, sur tout ce qui bouge. Le métro
parisien, la politique, la religion, le football, les hommes
et les femmes, le sexe, la télévision (et les stars comme
Frédéric François qu’il ne connaissait pas quand il est arrivé chez Michel Drucker),
etc. Peut-être à une exception près (enfin, quoique). «Je n’arrive
pas à faire des vannes sur François Hollande. On dirait un prof d’aquagym
à la retraite, il me fait de la peine.»
L’ombre de Charlie
Si Mathieu Madénian est
aujourd’hui « payé pour raconter des conneries », comme il l’affirme
(N.D.R.L. Il a suivi des études de droit pour être avocat), le clown s’est
révélé triste lors de brèves parenthèses ouvertes à Romorantin. «Ce soir, je
suis obligé de parler de terrorisme. Avec le plan Vigirate, il est entré dans
nos vies, notre quotidien. » Avant le début du spectacle à la Pyramide, la
police municipale a d’ailleurs inspecté les sacs des spectateurs. Deux hommes
de sécurité étaient placés de chaque côté de la scène et deux véhicules de
gendarmerie attendaient sur le parking à la sortie. « Je collabore à
Charlie Hebdo depuis le mois d’août, » a-t-il continué. « Je devais
être à la conférence de rédaction du 7 janvier mais ma TV a explosé à 9 h et
Charb m’a dit de venir à la prochaine. Pour tout vous dire, on allait
sortir un numéro anti-FN quand mes potes ont été tués par deux gros connards… Faire un bide, oui, mais on n’a pas le droit de mourir pour ne pas avoir
été drôle.» Avant de conclure. « J’y pense tous les jours sauf
quand je suis sur scène. Merci à vous. Ce soir, je n’ai pensé à rien.»
ÉR
(1) Celui-ci assure les premières
parties de Mathieu Madénian. Il réalise aussi actuellement des chroniques sur
France Inter.
(2) Avant Noël 2014, Marianne James était
venue à Romorantin en train elle aussi pour son spectacle « Miss
Carpenter ». Une fois arrivée en gare de Salbris, elle avait emprunté la
ligne du Blanc-Argent.
Article paru dans l'hebdo la Renaissance du 41 le 20.02.15
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